Continuer à vivre, un pied devant l’autre…
Armelle Pumir est morte. Elle était portée disparue depuis trois jours. Elle a été abattue à la kalachnikov en plein Paris. Comment un pareil drame pourrait-il se concevoir ? C'est pas "des choses qui arrivent" ! C’était ma collègue, hier encore je la voyais passer dans les bureaux, je l'accompagnais dans le métro, je m'amusais de son jean troué à la machine à café. Je suis venue à l'agence mais je n’ai aucune idée de ce que je vais y faire. L’air est saturé de son absence. Comment pourrait-elle être morte, alors que je la sens encore si présente, si vivante ? Nous partagions une proximité de circonstance et pourtant Armelle ne m’a jamais parue aussi proche qu’en ce moment. J’ai l’impression qu’elle me colle à la peau, que son souffle balaye mon cou. Je revois son sourire en coin, qui semblait nous dire « moi, on me la fait pas ». Je suis encore avec elle, rentrant en métro, et la saoulant probablement à ne parler que de moi. Elle se livrait peu mais par brides, j’ai ainsi découvert sa vie, sa famille… Elle avait deux enfants comme moi, mais elle me semblait tellement plus fiable comme maman. C’était un capitaine de navire. Elle avait du chien, de l’allure. Elle dégageait une telle force, une telle confiance en soi que parfois elle me faisait un peu peur. J’imaginais qu’avec elle on devait filer doux et qu’elle donnait bien peu de prise au chantage affectif. J’imagine qu’elle était le phare de cette famille et j’imagine la déperdition pour son mari, de ses enfants. Et je pleure. Et j’ai l’impression que cette infinie tristesse ne s’arrêtera jamais…