« Il n’est en art qu’une chose qui vaille : celle qu’on ne peut expliquer » (Georges Braque)
Ce qui est frustrant et formidable à la fois dans l’art, c’est qu’on a beau apprendre et maitriser les règles d’un art en particulier, ce n’est pas pour autant qu’on réussit à produire une oeuvre réellement artistique qui provoque de l’émotion. A l’inverse, certaines créations deviennent des chefs d’œuvre, touchant un public de façon immédiate et universelle, alors qu’elles dérogent fondamentalement de ces fameuses « règles de l’art ».
Depuis quatre mois, je m’évertue à piger et à mettre en pratique les règles du One-Man-Show et de l’écriture comique : parler de soi, aller au plus simple et au plus direct, éviter le style littéraire, évacuer le « descriptif », l’explicatif et les liaisons, ne pas chercher à faire de trop jolies phrases, partir du jeu avant tout, ne pas hésiter à forcer le trait, viser l’efficacité immédiate… Et voilà que déboule sur scène Richard, le petit nouveau. Qui n’est pas franchement nouveau, puisqu’il aurait déjà fait de la scène, encore moins petit, avec ses faux airs de Borat, version sombre et taiseux. J’avoue même qu’il me faisait un peu peur. Je ne l’ai pas entendu dire un mot avant qu’il ne monte sur scène et nous lise, à blanc, de manière à peine articulée et sans aucun effet de jeu, son texte sur le destin tragique de la brosse à dents, de Bonaparte à nos jours. Du storytelling pur, finement écrit, subtil et exigeant, esthétiquement recherché, riche en métaphores sophistiquées, avec des situations décrites plus que jouées… Bref, tout le contraire de qu’on nous avait appris, et pourtant, c’était hilarant, épatant, brillant. De quoi nous décourager et nous donner envie d’abandonner le métier avant même de l’avoir commencé…
Comme tous les arts, celui de faire rire n’a rien d’une science exacte. On nous enseigne la technique et c’est à nous de la transcender pour exprimer notre personnalité d’artiste, de trouver notre voie, notre façon spécifique de toucher le public. Et ce qu’il y a de génial dans le One-Man-Show, c’est que, dans l’absolu, il y a de la place pour tout le monde. Il existe mille façons de faire rire. Qu’on soit petit, gros, vieux, moche, bègue, inculte, mal foutu… Nos handicaps, nos défauts, nos faiblesses peuvent devenir le matériel fondamental de notre nature comique. Et ça c'est plutôt une bonne nouvelle... même si cette fameuse nature comique peut prendre des années à se révéler.