Seule en scène : Eh bien, jouez maintenant !
Mes quatre mois de galère, racontés par le menu ici et là, ont enfin aboutis à un sketch rédigé, finalisé et validé à mon école du One-Man-Show Hier soir était donc venu le temps de l’interprétation. J’entrais dans une zone inconnue et oh combien inconfortable, n’ayant jusqu’à ce jour jamais réellement eu l’occasion de jouer, ni de travailler mon jeu. L’environnement était bienveillant, l’enjeu nul, le sketch moult fois répété et appris par cœur, cependant, j’étais tétanisée par le stress. Je n’avais PAS DU TOUT envie de monter sur scène (alors que, à la base, c’est quand même la finalité à laquelle nous aspirons tous). Merde, j’ai quand même fais de la télé dans les conditions du direct, je devrais savoir mater mon trac, être un brin zen et détachée… mais rien à faire. Le processus reste le même. Avant, j’aimerais mourir et me retrouver six pieds sous terre plutôt que d’entrer en scène. Pendant, y’a un moment de lâcher prise grisant où le plaisir prend le pas sur la souffrance. Après, je me sens vivante et galvanisée comme jamais, avec l’envie de remettre ça tout de suite et de bouffer le monde. En fait, la scène c’est ma façon à moi de sauter à l’élastique !
J’ai donc fini par sauter. Le (mauvais) réflexe est alors d’expédier son texte comme pour s’en débarrasser et mettre plus rapidement fin à ses souffrances. Du coup, on s’épuise, on s’essouffle, on bafouille, on cherche son texte. On a des trous suivis de brusque accélérations, on dit « torser son bombe » au lieu de « bomber son torse » et on ne s’en rend même plus compte. On finit explosé sans avoir laissé le temps au plaisir de s’installer ni au public de s’attacher.
Puis on reprend tout le sketch depuis le début, coaché par le prof. Et là, on commence à donner du relief et des nuances à son texte, à révéler son potentiel comique, à jouer vraiment avec son public et du coup, à s’éclater ! Hier j’ai vraiment réalisé ce que la « direction d’acteur » voulait dire. J’ai expérimenté la différence qu’elle pouvait faire, sur mon sketch autant que sur ceux des autres. Le texte et l’acteur ne sont finalement que des supports, neutres en soi. C’est le jeu qui va leur donner vie, leur insuffler une couleur, une intensité, une intension. Et la parole n’est qu’un vecteur de jeu parmi d’autres. Les silences, les mimes, les mimiques, les regards, les positions et les postures, les changements de rythme, d’intonation, de puissance sont tout aussi déterminant dans l’impact comique. En même temps, n’est-ce pas ce que je m’évertue à dire à mes étudiants ? Que le contenu, les mots, représentent moins de 10% de l’impact de toute communication ? Hier soir, la comparaison du avant/après a fait la démonstration de cette lapalissade d’une manière plus saisissante qu’un relooking de Christina Cordula !