(Pas si) seule en scène : Mon baptême du feu
Inutile de faire durer le suspens, ça s’est plutôt bien passé hier soir. Mais avant d’en arriver là, que de chemin parcouru. Six mois de galère racontées par le menu ici, pour aboutir au filage de la semaine dernière, où je le suis quand même retrouvée à l’interclasse à pleurer sous un porche car « tout le monde est tellement meilleur que moi » (dixit, moi au téléphone, entre les hoquets de larmes, à mon mari, à se demander si une bombe n’aurait pas explosé du côté de Pigalle). Ridicule. Pathétique. Je sais. Y’a plus grave dans la vie. Mais j’ai tellement pas l’habitude d’être confrontée à meilleur que moi, ni à trimer autant pour arriver à un niveau acceptable. J’ai pourtant choisi ce cours pour être tiré vers le haut, mais bon, je ne m’attendais pas à un tel niveau d’exigence et de talent. La semaine dernière, ils avaient tous fait des progrès spectaculaires. J’ai fini par demander à l’un d’entre eux, mais comment ce fais-ce ? Et il m’a dit : J’ai pris une journée de congé pour bosser mon texte du matin au soir sous l’œil critique de ma femme. Voilà l’explication : Ils étaient meilleurs car ils ont fait preuve de plus de travail et de plus de courage. Et c’est une prise de conscience à laquelle je suis encore moins habituée : J’ai pas assez bossé ! J’ai pas assez osé !
Entre la semaine dernière et hier soir, j’ai donc remis cent fois l’ouvrage sur l’établi. J’ai ajouté des nuances, des propositions de jeu, et j’ai répété, répété, jusqu’à ce que corps et texte ne fassent plus qu’un. Au bout du compte, j’ai vécu la fébrilité des grandes premières, les dernières répétitions en se bousculant dans les loges, le brouhaha feutré et froufroutant de la salle qui se remplit, la récolte des rires cachés derrière le rideau, le cœur qui palpite au diapason du copain sur scène, l’accueil du dit copain s’écroulant comme un marathonien en sortie de scène, la tension et le kif de la vie d’artiste… Et puis moi, m’élançant sur scène, rapidement portée par les rires, qui m’ont heureusement suivi tout le long du sketch. De quoi donner envie de donner encore plus, de jouer encore plus avec le public. Sans fléchir. Même quand on n’a plus de souffle, plus de salive, plus de carburant. J’ai survécu. J'ai récolté ma moisson de rires, ce bien si précieux pour lesquels nous sommes tous prêts à nous damner ! Évidemment, la route est encore longue, je peux faire plus et mieux. La preuve, Euzen, mon fils aîné, mon fan inconditionnel dont la subjectivité devrait fonctionner à mon bénéfice, a trouvé que j’étais UNE des meilleures et non LA meilleure. C’est dire le niveau ! C’est dire combien je peux encore progresser ! Rendez-vous donc à la fin du trimestre pour le prochain spectacle !