Je n’ai pas échoué, j’ai appris !
Si j’en crois l’adage, j’ai probablement plus appris de mon bide relatif au Bout avec mon nouveau sketch que de mon succès tout aussi relatif à la Comédie de Paris avec un de mes grands classiques (oui, j’ai déjà des grands classiques dans mon répertoire, et alors ?). J’y croyais pourtant à ma fameuse Turkish Fashion Police. J’ai travaillé les moindres nuances du sketch. Je le connaissais sur le bout des doigts. Mes profs l’avaient adoubé.
Il faisait rire mes collègues à chaque représentation. C’était même devenu le préféré de mon manager/coach/directeur artistique/metteur en scène/fils de 13 ans, qui me promettait un tabac.
Galvanisé par mon casting et ma sélection au Big Show, je pensais avoir gagné en confiance, mais il a suffit d’un rien pour que mon assurance se dégonfle comme un ballon de baudruche percé. Mon sketch commençait par la question : Savez-vous quel pays a inventé l’émission « qui veut épouser mon fils » ? J’avais imaginé toutes les réponses possibles, sauf le fait de n’en avoir aucune. C’était sans incidence sur la suite du sketch et pourtant, ça a suffit pour me déstabiliser. Puis une ou deux vannes qui n’ont pas l’impact prévu (car collègue et public, c’est pas pareil) et me voilà persuadée que le sketch ne prend pas. S’en suit une mini-crise de panique qui me laisse le souffle coupé, ma voix se met à chevroter, je m’emmêle légèrement les pinceaux et j’aboutis à la hantise de tout comédien : Le trou !
Lequel trou n’était pas le problème (il semble que je l’ai plutôt bien géré) mais la conséquence de micro-événements anodins qui m’ont fait perdre mes moyens.
En fait, j'aurais du appliquer à moi même ce que j’enseigne dans mon métier, un des pires au monde : La prospection. Tout le monde (ou presque) à la phobie du téléphone, essentiellement par peur de la réaction d’un interlocuteur, autrement moins bienveillant que notre public au Bout. Ils s’en font une montagne, voyant comme un obstacle à franchir chacune des réactions possibles. J’invite avant tout les personnes que je forme à changer d’état d’esprit. Je leur conseille de bien préparer leur argumentaire, d’être à l’écoute et de se réjouir de la réaction de l’interlocuteur, quelle qu’elle soit, car elle fournit des informations spontanées sur lesquelles ils pourront rebondir. L’objectif premier est la qualité de l’échange. Si ça va plus loin, tant mieux, sinon, on saura qu’on n’était pas faire pour travailler ensemble.
Finalement, il en va de même en One : Il faut
- travailler et incarner son « argumentaire » (quelle est mon intention ? Qu’est-ce que j’ai envie de partager avec le public ?) en maîtrisant les techniques de communication,
- prendre parti sans hésitations, excuses ou états d’âme (il vaut mieux intéresser beaucoup peu de gens que moyennement tout le monde, donc, fatalement, on tombe parfois sur un public qui n’est pas le sien),
- rester à l’écoute et oser sortir du texte pour rebondir sur les réactions ou le manque de réactions du public (ce qui induit beaucoup de pratique et d’entrainement),
- ne pas tirer de conclusions hâtives quand à l’intérêt ou non d’un texte qui, en fonction du moment, du public, de ton état d’esprit, de la météo ou de l’air du temps peut tantôt faire un bide, tantôt faire un tabac (comme en prospection, il s’agit d’être la bonne personne, au bon moment, avec la bonne proportion).
Cependant, le One étant un art et pas seulement une technique, il faut savoir lâcher prise et accepter de ne pas tout contrôler, ce qui pour un Control Freak comme moi est insupportable. Et c’est sans dans cette acceptation-là que réside mon plus gros challenge.
Fort de cet enseignement, je me suis laissée portée par mon texte et mon public à la Comédie de Paris, j’ai même osé une petite sortie de route contrôlée, et j’ai enfin pris du plaisir pendant environ 30 secondes. C’est peu, mais ce n’est qu’un début…