Mon Big Show à l'heure du bilan
Qui suit mes aventures sait que j’ai intégré la troupe du Big Show, réservée à la « crème de la crème » de l’école du One Man Show (c’est pas moi qui le dit, c’est eux !), composée d’une trentaine d’aspirants humoristes parmi les quelques 200 inscrits à l’école qui pour la plupart aspirent à ce Graal. C’est dire si je ne touche plus terre depuis que j’ai réussi le casting (sachant combien je viens de loin). Je vais enfin pouvoir « bouffer » de la scène, seul moyen de progresser, de juguler ses angoisses et de faire rentrer le métier. Étant entendu que, tant qu’on n’a pas joué un sketch 15 fois, on ne le maîtrise pas !
Mon grand âge a beau me préserver des excès d’enthousiasmes et des plans sur la comète, je me prends beaucoup plus au sérieux depuis cette intronisation. Je fais mes « devoirs » en ingurgitant tout ce que je trouve sur le thème du One (spectacles, essais, interviews, séries…). Je sais ce que je veux faire, j’ai mon univers, mon personnage, la trame et la vocation de mon futur spectacle, il ne me manque plus qu’une chose, oh, une toute petite chose, presque rien, une bagatelle : un public !
Car force est de constater, après une quinzaine de Big Show, que je suis loin du plébiscite public. Je peux occasionnellement gagner – car comme on dit chez nous, même une poule aveugle trouve de temps en temps un grain – mais je ne suis pas de ceux qui provoquent l’engouement, le « coup de cœur », les applaudissements en cours de sketchs, les avalanches de chapeaux sous les hourrahs de la foule… Même les soirs où je fais beaucoup rire, je ne constate pas d’adhésion au personnage. Et comme le personnage, c’est moi, forcément, ça m’attriste un peu. J’ai l’impression d’être la Jacques Cheminade du Big Show : Je fais rigoler tout le monde, mais personne ne vote pour moi !
Alors, pourquoi ? L’explication la plus logique étant que les autres sont tout simplement meilleurs et plus drôles que moi. Soit. Mais encore ? Ils sont plus jeunes, plus main stream, mais pas que. Je dois aussi accepter que le public n’adhère pas forcément à ma proposition : Raconter ma vraie vie, en allant très loin dans la mise à nue. Les gens n’ont pas forcément envie de voir une quinqualsacienne à poil sur scène et ça peut se comprendre. Ils ne sont pas venus pour ça.
Finalement, en prenant le parti de mettre en scène ma vraie vie, il n’est pas étonnant que j’obtienne le même type d’impact que dans la vraie vie, ou tantôt, j’amuse, j’exaspère ou j’insupporte. Où je n’ai jamais été particulièrement « populaire ». Où m’aimer et me suivre relèvent de l’acte militant. Dans mon métier, je ne cesse de répéter qu’il vaut mieux plaire beaucoup à peu de gens que moyennement à tout le monde. Mais la question reste entière : ce peu de gens susceptible de m’aimer beaucoup existe-t-il ?