Est-ce dans la destinée des rêves de s’évanouir dès qu’ils sont vécus ?
Demain, c’est le palmarès du 60ème Festival de Cannes, le plus grand festival de cinéma du monde, et vous savez quoi ? Je m’en fous ! Pire, je ne serais même pas là pour le suivre, mais en route vers le Pays de Galle où un périple familial autrement plus excitant m’attend. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. J’ai déjà eu l’occasion de parler ici de ma passion du cinéma, aujourd’hui quelque peu émoussée… Mais vous ne pouvez pas imaginer ce que le Festival de Cannes représentait pour moi il y a plus de vingt ans. Je ne ratais pas une émission, même les plus tardives, et vouais une totale dévotion pour le cérémonial des films, les critiques et les pronostics, le tapis rouge, les stars et ce Palais du Festival, jadis si décrié et qu’aujourd’hui plus personne n’appelle Bunker. Je me disais que si un jour j’avais l’occasion de participer au Festival de Cannes, ma vie aura valu le coup d’être vécue. Et l’occasion s’est présentée, sous les traits et la rencontre hasardeuse d’un producteur alsacien, auxquels on associe pourtant plus volontiers la choucroute que le cinéma. Ce super-héros du cinéma, avocat le jour pour financer ses œuvres réalisées à temps perdu, m’offrit non seulement l’opportunité de faire un stage avec lui, mais d’aller au Festival de Cannes A SA PLACE ! C'est-à-dire avec une accréditation de producteur-réalisateur. Est-ce que vous savez seulement ce que cela veut dire, est-ce que VOUS VOUS RENDEZ COMPTE ? C’était le sésame pour rentrer dans les hôtels, pour voir les films en exclusivité, pour croiser plus de stars que de policiers à Paris sous l’ère Sarkozy et, satisfaction suprême, pour flouer le fameux tapis rouges. Oui, moi, Juliette, 20 ans, cinéphile et cinéphage des plus anonymes, je montais les marches au milieu des photographes, des vedettes et du gratin du cinéma mondial. Certaines rêvent de mourir sur scène, moi c’était sur les marches du Palais du Festival. J’ai accumulé les photos et les autographes, je me suis même retrouvée à plusieurs reprises en photo dans Studio à côté de Christophe Lambert, Catherine Deneuve ou de l’équipe du Grand Bleu (tiens, j’ai pas signé d’autorisation, je devrais peut-être leur faire un procès ?). J’y suis allée un an, deux ans, trois ans, quatre ans, le temps de repasser du septième ciel au plancher des vaches. Rien n’avait changé, mais plus rien n’était pareil, plus de surprise, de nouveauté, plus d’incroyable mais vrai, j’étais – ah le vilain mot – blasée ! Quoi de plus déprimant que de réaliser son rêve et de ne plus en avoir envie, une fois qu’il est à sa portée ? J’ai pris du temps avant d’accepter cette réalité : Le rêve tend à s’évaporer sitôt vécu. Maintenant que je le sais, ça ne me déprime plus autant. Je n’aurais jamais cru faire un jour de la télé et pourtant, une fois que j’y étais, c’est devenu la routine. J’ai toujours rêvé d’écrire mais maintenant que j’en suis à mon huitième ouvrage, c’est devenu un job comme un autre. Quelle que soient les réalisations qui m’attendent encore, je ne serais jamais satisfaite car chacune d’elle sera suivie d’une sorte de « petite mort », et il me faudra encore et encore trouver de nouveaux chevaux de bataille. Mais pas de quoi se plaindre, il paraît que le secret des centenaires, c’est d’avoir toujours des projets…
En tout cas, je me suis que cette fable ferait une bonne amorce pour vous faire cogiter pendant mes dix jours de vacances (vous me direz que ces derniers temps, j’édite un nouveau post tous les 10 jours et que ça ne fera pas de différence, pfff, mauvaises langues !) : Quels sont les rêves qui vous animent ? En avez-vous réalisé certains dont vous êtes revenus, blasés ? Ou nagez-vous dans la félicité du rêve réalisé ? Avez-vous fait le deuil de certains rêves de votre vie ou les poursuivez-vous encore ?