"Envoyé Spécial", hier soir sur France 2 : Les scandales de l’avortement
J’ai surtout retenu de cette expérience, qu’il ne fallait surtout pas traverser cette épreuve seule, alors qu’on tend justement à n’en parler à personne, à assumer l’intervention dans le silence, la solitude et la honte, face à un personnel médical qui vous laisse livrée à vous même. J’ignorais cependant que ce droit acquis depuis plus de 30 ans, n’était en fait qu’une tolérance et que l’avortement relevait aujourd’hui du saut d’obstacle.
J’ai ainsi appris hier soir (entre autres scandales) que :
- l’avortement est le seul acte chirurgical que les médecins peuvent refuser en arguant d’une « clause de conscience » qui date de plus de 30 ans,
- la plupart des médecins refusent ainsi de pratiquer un acte qui n’a rien de valorisant et les listes d’attentes des hôpitaux sont telles que de nombreuses femmes n’obtiennent pas de rendez-vous dans le délai légal de 14 semaines (quasiment jamais appliqué dans les faits),
- l’avortement thérapeutique pour malformation congénitale au-delà de ce délai est refusé une fois sur deux (je pensais moi que c’était une formalité).
En gros, si vous ne remarquez pas que vous êtes enceinte dès le premier retard de règles et que vous ne réagissez pas tout de suite, compte tenu des différents rendez-vous obligatoires pour vérifier que vous êtes bien sûre sûre de vouloir cet IVG (on va pas non plus vous faciliter la tâche, hein, z’aviez qu’à faire attention), vous avez de fortes chances de louper le coche et d’être contrainte d’avorter à l’étranger… pour peu que vous en ayez les moyens (le fait que certains pays autorisent l’avortement jusqu’à 8 mois de grossesse – par un léger détournement de la loi – est un autre scandale qui relève à mon sens de l’homicide mais n’enlève rien à la pertinence du présent débat). Dire que le remboursement de l’IVG devait justement rétablir une certaine équité entre les femmes, on est loin de l’esprit de la loi Weil.
La tentation peut être grande de se dire « ben si ça peut faire réfléchir les femmes et reculer le nombre d’avortements, c’est pas plus mal ». Seulement voilà, la France compte toujours 200 000 avortements par an, dont deux tiers sont dus à des échecs de contraception, ce qui met en lumière les lacunes du système en matière de prévention et d’information. Les pays qui ont jugulé le nombre d’avortements ne sont pas ceux dont la loi est la plus restrictive, mais ceux qui ont su mettre en place une politique d’information et d’éducation sur la contraception dès le plus jeune âge. Trop de femmes ignorent encore que « se retirer » n’est pas une technique de contraception fiable, que le préservatif présente un taux d’échec de 5 à 15% et que même la pilule n’est pas sûre à 100%. Il suffit d’une fois pour tomber enceinte, à croire que certains corps échappent à la conscience et sautent sur la moindre occasion pour engendrer. Hormis l’abstinence, l’adoption d’une méthode contraceptive médicale reste le seul moyen de contraception digne de ce nom. Toute autre stratégie pour échapper à l’ovulation revient à lire le moment opportun d’un rapport sexuel dans une boule de cristal. Mais, encore une fois, comment s’étonner du flou dans lequel restent les femmes quand on apprend – toujours hier soir, et c’est peut-être l’information la plus scandaleuse – que le personnel médical bénéficie d’une seule heure de formation à la contraception et à l’avortement en sept ans d’études de médecine ?