Changer de vie, mais à quelles conditions ?
De nos jours, on est revenu de tout : de mai 68, du plein emploi, du capitalisme et du carriérisme forcené, de la sécurité des débouchés, des jobs à vie… Alors, comme plus rien n’est sûr, autant faire ce dont on a vraiment envie. Les commerciaux troquent les artifices du vendeur pour ceux du saltimbanque, tel consultant international plaque tout pour devenir moine bouddhiste, des parigots débarquent par familles entière en province pour se lancer dans les chambres d’hôtes, les stages équestres ou les massages new age. Les Retete et Internet passant par là, les mentalités tendent à suivre et les aspirations individuelles commencent à être acceptées, voire intégrées par la société et les entreprises. Comme le dit la pub, on admet à présent qu’on a "plusieurs vies dans une vie".
Mais changer de vie ne s’improvise pas, comme l’a encore confirmé le dernier opus de « Zone Interdite » consacré à ces aventuriers qui ont tout plaqué pour ouvrir une maison d’hôtes.Le constat était flagrant, pas de réussite possible sans maîtriser les trois nerfs de la guerre : la préparation, le financement et la motivation, gainés par un ensemble de qualités et de compétences que je qualifierai « d’esprit d’entreprise ». Changer de vie par dépit, sur un coup de tête, en essayant ailleurs quand on a échoué ici, ne fait que déplacer voire amplifier le problème, à l’image de cette famille qui en l'espace d'une demi-saison se retrouve obligée de renoncer à son rêve, ruinée.
Changer de vie doit être un choix réfléchi, mûri, planifié et validé, il exige de la stratégie, du sens commercial, une vraie capacité de gestion et une vision à long terme. Bref, pour réussir un changement de vie, il faut déjà avoir réussi dans l’autre vie, accumuler d’une part des compétences professionnelles sur lesquelles capitaliser et d’autre part, des économies ou des moyens financiers suffisants pour palier aux coups durs et aux imprévus qui ont l’étrange faculté de se multiplier comme des cafards quand on décide de balancer sa vie routinière. Il faut donc tout planifier, y compris l’imprévisible, en s’y prenant souvent plusieurs années à l’avance et en intégrant une solution de repli, un plan B, des alternatives (séparer temporairement la famille, cumuler deux jobs, reprendre une activité purement alimentaire, s’associer…) permettant de poursuivre l’aventure même si la réussite est lente à venir. Changer de vie est une sorte de traumatisme assumé, qui prend du temps, coûte cher, exige des sacrifices, provoque des résistances, bouffe une énergie monstrueuse… un peu comme remonter un fleuve sauvage à contre-courant ! Pas étonnant qu’on puisse en arriver parfois à préférer rester au stade du rêve, bien plus gratifiant, que de se lancer dans une aventure à l’issue hypothétique et parfois cauchemardesque.
Moi-même, j’ai bien tenté un éphémère changement de vie en partant vivre en Turquie… pour en revenir trois mois plus tard. Je continue à être titillée par la syndrome « j’aurais voulu être un artiste », j’ai même réussi à le devenir un peu, à la faveur de quelques projets précaires, mais hélas je tiens trop à mon confort (c’est vrai que l’enjeu n’est plus le même une fois qu’on a une « famille à nourrir ») pour oser un changement radical. Je n’ai jamais lâché mon "fond de commerce" de consultante en développement commercial sur lequel je retombe à chaque fois que je tente un chemin de traverse (faire de la télé, écrire…) et qui reste mon capital, le socle sur lequel construire d’autres ambitions.
Et vous, avez-vous déjà osé le changement de vie ?
En connaissez-vous qui l’ont fait, que vous enviez ou plaignez ?
Et si l’opportunité se présentait à vous, qu’est-ce qui vous tenterait ?
Changer de métier ou de style de vie, créer une entreprise, lancer une invention, faire de l’humanitaire, étudier, écrire un livre, parcourir le monde… ?
Lâchez-vous, profitez-en : à défaut de vous lancer un jour, osez au moins formaliser ouvertement votre rêve ici !