L'Oeil de la Ménagère : Tout à coup, un inconnu...
« Tout à coup un inconnu vous offre des fleurs » disait la pub mais si vous êtes comme moi, il a du vous arriver bien plus souvent d’être houspillée, bousculée, offensée par un inconnu qui vous parle mal ou se comporte de façon irrespectueuse envers vous. Tout comme moi, sous l’effet du stress, vous n’avez sans doute pas su comment réagir, vous n’avez pas trouvé les mots propres à préserver votre honneur, à vous sauver de la honte ou du ridicule (bien plus souvent à vos yeux qu’à ceux des autres). Et, toujours si vous êtes comme moi, vous aurez passé des heures et des jours à revivre la scène, à ruminer, à imaginer ce que vous auriez du dire et faire, à construire des réparties cinglantes qui n’atteindront hélas jamais leur cible. Comme par hasard, c’est toujours le même scénario qui se déroule. Nous avons tous nos « boutons », nos points faibles rien qu’à nous qui font mal dès qu’on les frôle. C’est comme si cet inconnu avait senti la faille de notre self estime dans laquelle il pouvait s’engouffrer, dont les racines remontent souvent à l’enfance et puisent dans nos névroses.
Mon « bouton » à moi c’est de me faire « gronder » en public. C’est toujours le même shéma qui se reproduit : une femme qui pourrait être ma mère me tombe dessus parce que je me comporte de façon « mal élevée » (je parle trop fort, je tâte les fruits à l’étal, j’écrase les platebandes…). Sur le coup, je suis submergée par une vague de culpabilité qui me faire perdre tout mes moyens et me mure dans un silence honteux qui ne cesse de surprendre toute personne qui me connaît. Puis, dans un sursaut de fierté, j’estime qu’elle n’avait pas à me parler comme ça et je me rends malades pendant des jours à refaire le film jusqu’au happy-end idéal.
Ce dimanche justement, il m’est arrivé un truc du genre « tout à coup un inconnu vous crache à la figure ». Je vous la fait courte : Je vais au Monoprix en catastrophe pour acheter du lait premier âge, je fais la queue pour cet unique article et au moment d’arriver à la caisse je constate que j’ai pris du lait de croissance. Je signale à la dame derrière moi que je me suis trompée et que je file l’échanger. En revenant je tente de reprendre ma place et la dame en question me fait un caca nerveux : « Ah ben non, c’est trop facile, blablabla ». Pendant que j’argue de la légitimité de mon rang, la dame déplace un à un ses articles vers la gauche pour les coller à la barre de séparation. Mon sang ne fait qu’un tour et voilà que je balance ses victuailles d’un grand geste théâtral vers la droite du tapis. Pour achever le naufrage, je prends à parti le papy aviné qui nous précède pour lui demander de trancher et voilà qu’il donne raison à l’autre ispèce de connasse dame. Visiblement, ils partageaient la philosophie école maternelle du « qui part à la chasse perd sa place » et face à une telle coalition, je ne pouvais que céder. Logiquement, une telle branlée aurait du me miner et me gâcher au minimum le journée. Il n’en fut rien, au contraire, dès que j’ai retrouvé mon mari qui m’attendait dans la voiture, j’ai pu en rire, lui raconter la mésaventure en me moquant de moi-même, consciente du ridicule de la situation sans me sentir honteuse de ma réaction excessive, me réjouissant même d’avoir trouvé le sujet de ma prochaine chronique.
Alors, qu’est-ce a bien pu faire la différence ? Aurais-je évolué ? Me serais-je zenifié ? La vérité, c’est que cette altercation n’avait rien de récurrent, elle n’appuyait sur aucun bouton, je dirais même qu’elle ne me ressemblait pas. Je suis plutôt du genre bonne pâte, magnanime, à laisser pisser et à céder le sourire aux lèvres aux Madame sans gêne qui minaudent « J’ai juste un article, vous permettez que je passe devant vous ? ». Du coup, il n’y avait pas d’enjeu, pas de réflexe pavlovien qui m’aurait rattrapé à l’insu de mon plein gré. Juste une bévue isolée, banale et sans conséquence, à laquelle je n’avais aucune raison d’accorder plus d’importance qu’elle n’en avait. Nul besoin non plus de perdre mon temps à chercher obsessionnellement ce que j’aurais « du dire » ou « du faire » par rapport à une situation qui n’a pas de raison de se reproduire. Je me suis cognée dans le panneau mais je ne suis pas tombée dedans. Il ne m’était pas destiné. Quand un panneau revient avec insistance sur notre route c’est qu’il est censé nous apprendre quelque chose et tant que la leçon n’est pas assimilée, on continue à tomber dedans.
Pessimiste constat qui ne fait que remuer le couteau dans la plaie ? Certes, mais à défaut de combinaison anti-choc ou d’itinéraire bis pour éviter ces panneaux, je peux au moins vous livrer un « truc » pour vous aider à sortir indemne d’une prochaine collision : Il a été prouvé scientifiquement que dans ce type de situation stressante le cerveau a besoin de cinq secondes pour retrouver son sang-froid. Il s'agit donc de trouver une phrase tampon, du type « Qu’est-ce que vous entendez par là ? » ou « excusez-moi, vous disiez ? » face à une remarque désobligeante par exemple, à dégainer automatiquement dans une situation récurrente, histoire de gagner les quelques secondes nécessaires pour trouver la réplique appropriée. Y’a mieux, mais c’est plus cher (genre 75€ la séance)…