Bree, sors de ce corps !
Comme je vous l’ai déjà révélé ici, je vis actuellement une période étrange où je tire un épanouissement fort inhabituel de ma fonction intérimaire de "femme au foyer". Certes, je n’en suis pas encore au niveau de ces héroïnes du quotidien, dotées de superpouvoirs, membres éminents du département d’Etat Modes et Travaux, snipers des fourneaux, capables d’être partout à la fois, de sauver le monde de la crasse tout en empêchant le soufflet de retomber. Chez moi, rien à faire, la poussière n’a toujours pas la courtoisie d’attendre que j’ai fini ma déco pour retomber, la lessive se multiplie à faire pâlir les petits pains du messie et la vaisselle n’a aucune pitié pour mon emploi du temps de mère de famille. N’empêche… Certains indices me poussent à m’interroger : Mon accès de feedulogiphilie ne prendrait-elle point une tournure névrotique puisant sa source dans mon tempérament d’obsessionnelle monomaniaque ? Ainsi, me suis-je prise hier en flagrant délit à m’acquitter de tâches que j’arbore et auxquelles je m’étais jurée de toujours échapper : laver les vitres inside-out en automne et repasser une garniture ancestrale de linge, soit des mètres de tissus aux plis irrécupérables. Plus inquiétant, je suis devenue une maniaque de la VPC, je Fly par dessus les Trois Suisses, en passant par la Blanche Porte et les Maisons du Monde, j’Habitat, je Castorama et je Redoute à tout va, Quelle aventure ! Je suis devenu le pigeon idéal des offres promotionnelles, des moins X%, des chèques de réduction, des frais d’envois offerts, des « superbes cadeaux sans obligations d’achat » qui mystérieusement m’obligent quand même à acheter. Je guette le facteur, je compulse les catalogues, je cours aux points relais, j’enrage au moindre retard, je suis constamment à l’affût… Mon mari a besoin d’un bonnet ? Mon fils veut un robot Transformer ? Une amie le parle de noix de lavage ? Des housses à acheter ? Des fleurs à envoyer ? Des cadeaux à trouver ? Et me voilà sur Internet à naviguer de site en site, de comparateurs de coûts en portail spécialisé, de l’occase au design… Les stimulis de mon cerveau s'activent à chaque "nouveau" ou "gratuit". Je ne calcule plus en terme de coût mais d’économie et pourtant, par une étrange équation que je ne m’explique pas, j’ai de moins en moins d’argent sur mon compte en banque. Mais rien ne saurait entamer ma fièvre acheteuse et ma frénésie d’intérieur. Hier encore, ma belle-sœur me rendait visite et je ne me sentais plus de joie à lui montrer mes acquisitions, ma déco, mes nouveaux aménagements… Alors qu’elle admirait les jolis objets exposés sur le marbre de la cheminée, dont chacun avait été choisi avec soin et disposé dans un subtil agencement de couleurs, de formes et de textures, voilà que la malheureuse prend ma boîte en forme de cœur dans ses main et la repose avec la pointe dans l’autre sens. Sans même réfléchir ni vraiment m’en rendre compte, j’ai remis la boîte dans le bon sens, avec une précipitation qui me valut d’être taxée de « pire de Bree », moi qui jadis vivait dans un joyeux bordel, buvait dans une tasse plutôt que de laver les verres, n’avait jamais fait de cannellonis et perdait patiente dès qu’un morveux pleurait.
Serais-je tombée dans l’autre extrême à transformer mon foyer en maison-témoin fleurant le neuf, le compassé, le « on regarde mais on ne touche pas » et bientôt « la casse se paye » ? Me suis-je vraiment BreeHodgisé ? Un exorcisme s’impose-t-il, histoire de ramener à la vie le peu de Susan qui reste en moi pour échapper au destin de notre héroïne nationale ci-contre (on a les Bree qu'on peut) ? Dois-je prévoir une cure de désintoxication, m’inscrire aux Home Addict Anonymes ? Ou plutôt m’éclater sans complexe jusqu’au rappel à l’ordre du banquier ? En attendant, il faut que je vous laisse, j’ai un bon de commande, -40% sur le textile, frais de port offert, cadeau surprise pour trois articles achetés, tirage au sort et super cocotte en prime, à envoyer !... A propos, y’a pas quelqu’un qui aurait envie de se faire parrainer ?