Mon beau sapin… ou comment j’ai changé le monde en un week-end
Z'avez vu le temps qu’il a fait dimanche ? Le genre de temps à ne pas mettre son nez dehors, que dis-je : à ne pas laisser son chien mettre le nez dehors. Il a suffit que j’ouvre la porte d’entrée pour que s’engouffre une rafale de bruine et de feuilles fanées, c’est dire ! Et pourtant, je suis bien sortie de chez moi ce jour-là, en bravant la tempête, l’ondée, le vent et la froidure qui fondaient sur moi tels les cavalier de l’apocalypse, tout ça parce que je suis une bonne mère et qu’il n’est pas question que je laisse les vicissitudes météorologique faire barrage au bonheur de mon fils, lequel, à court terme, passe par la conquête d’un sapin de Noël. Evidemment, si j’étais vraiment une bonne mère, je serais allée le chercher moi-même et l’aurait abattu de ma hache au cœur d’une forêt d’Alsace (patrie et lieu de naissance du sapin de Noël, il est toujours bon de le rappeler) en faisant fi des trolls, des vilaines sorcières et autres esprits maléfiques. Mais on n’échappe pas ainsi à son sort de mère indigne (et de radine), je suis allée acheter mon sapin benoîtement chez Ikéa pour profiter d’une opération qui ramène le coût du sapin à 2 € (l’écologie économique comme je l’aime… on ajoute l’indispensable « sac à sapin » et hop, on fait une B.A. de plus).
Je m’offre par la même occasion une balade chez mon fournisseur habituel de futilités en tout genre. Hélas, mon fils a refusé obstinément de rester dans le parc à bulles prévu à son effet et m’a collé au basques pendant tout le parcours en geignant « allleeez, on va chercher le sapin » (à chacun sa croix). Pompon en ce jours dantesque, Ikéa nous a sucré le chapiteau et c’est donc sous le grain, le froid et la tourmente (je vais finir par épuiser tout les superlatifs du lexique météorologique) qu’il fallut attendre pour payer son sapin. J’étais à deux doigts de me frotter tel un manchot contre mon voisin de devant qui me tentait de sa parka douillette entrebâillée (le fou !) tant je n’en pouvais plus !
De retour à la maison, j’exhumais de la cave les décorations qui y reposaient en paix depuis 4 ans. Quatre ans durant lesquels j’avais réussi à faire l’impasse sur le sapin de Noël mais à présent, c’en était fini de la flemme et des bonnes excuses. Cette année, je ne pouvais que céder aux revendications pressantes de fils chéri ou c’est un procès pour mauvais traitement qui me pendait au nez (bon, d’accord, c’est vrai aussi que les préparatifs festifs ne sont pas les pires aléas du destin de mère). En plus, vous me connaissez, en obsessionnelle monomaniaque que je suis, la décoration du sapin de Noël m’a littéralement possédée et poursuivie jusque bien tard dans la nuit. Ben oui, ça urge, le week-end prochain, c'est l'atelier petits gâteaux qui commence, comme pour toute alsacienne qui se respecte et pour qui Noël n'est pas juste une fête mais un sacerdoce.
Dès le lendemain, j’organisais un petit déjeuner avec une amie qui tend à faire jury de la nouvelle star à elle toute seule (et parfois à son corps défendant) dès que j’ai des velléités de déco. Hier encore, je passais une heure au téléphone avec la marraine d'Arzel, experte confirmée en sapins de Noël domestiques, à comparer nos exploits sapinophiles, excitées comme des enfants avec des étoiles dans les yeux, à se demander pour qui nous le faisions, pour eux ou pour nous ?
Une fois le sapin fignolé, décrit, vu et approuvé, vient le tour des cadeaux, soit cinq heures non stop à faire des étiquettes, des découpages, des collages, des paquets, des rubans… Quand un monceau de boîtes multicolores habille enfin le pied du sapin et que je contemple, apaisée et ravie, le fruit de mon labeur comme Dieu au septième jour se sa création, le dos en compote, l’estomac criant famine, toute d’héroïsme et de dévotion habitée, voilà l’inspecteur des travaux finis, officiellement mon conjoint, qui déboule
(de Noël, ha ha) ! Il me lance comme un os à son chien : « C’est fou le temps que tu perds et l’énergie que tu mets dans des trucs futiles ».
C’est lui qui a rien compris où c’est moi qui m’égare ? C’est quoi le sens de la vie, métro-boulot-dodo, faire son devoir, assurer le gîte et le couvert comme mes propres parents s’en sont toujours enorgueillis ?
Ou injecter de la poésie, de la fête, de la magie, du rêve, de la fantaisie à un quotidien qui sans notre petite touche perso oscillerait entre le noir et le gris ?
Est-ce que je suis vraiment complètement à côté de la plaque quand j’estime que mon sapin de Noël, à cet égard, contribue à changer le monde ?