Si ce titre vous choque, c’est que vous n’avez sans doute pas encore eu d’ados à dos et que vous n’avez pas encore compris que nous sommes en état de guerre : C’est eux, ou plus exactement, ELLES contre nous ! J’ai eu tout loisir de réaliser combien l’adolescente était devenue l’ennemie jurée de la ménagère à la faveur du vol retour de notre séjour à Malte. Ce pays a entre autre défaut d’être un nid à jeunes en séjour linguistique, lesquels visiblement n’ont rien compris au concept, la langue qu’ils sont supposés pratiquer n’ayant rien à voir avec celles dont ils fourragent pourtant consciencieusement la bouche de leurs congénères. Bref, nous voilà donc mon mari, ma belle-sœur, mes deux enfants et moi en rang d’oignon dans la boîte à sardine d’Air Malta, bousculés par une hordes d’ados de 15-16 ans qui hurlent, ricanent, s’esclaffent, s’interpellent, grimpent les uns sur les autres et vous collent leur cul dans la figure en se démenant dans les allées. Vous prenez votre mal en patience, il faut bien que jeunesse se passe. Vous vous illusionnez même, aveugle au gouffre qui vous sépare, en tentant un semblant de conversation et quelques plaisanteries. Mais cumulé aux drames inhérents à tout voyage avec des enfants en bas âge, avec les plateaux repas qui valsent, le grand ébouillanté par une tasse de café, le petit trempé et à changer de pied en cap dès le décollage, vous êtes dans un état de stress passablement avancé quand l’avion pointe sur nez sur Paris. Et bien sûr, votre bébé choisit le moment où la ceinture est bouclée et où plus personne ne peut bouger pour produire un étron aux effluves entêtants et pour se mettre à hurler comme un monstre de série Z. Le genre de situation à dégoûter tout le monde, vous y compris, de l’idée d’avoir des enfants. Rivée à votre fils et engoncée dans votre rôle de martyr de la cause maternelle, vous sentez votre espace vital grignoté par une hostilité croissante. Au début, ça n’a l’air de rien, une vanne par ci "Tas du parfum ?", un soupir par là "mais faites le taire !". Vous sentez bien cependant que ce n’est pas « juste » pour déconner, que les attaques sont aussi oppressantes que les canons d’un peloton d’exécution. Vous finissez par lancer en vous retournant « ben ouais, c’est comme ça les enfants, ça fait partie du deal, ça fait caca, ça pue, ça fait du bruit » et voilà que la Reine des Pom Pom Girls vous rétorque, droit dans les yeux : « ben alors, on part pas en vacances avec eux ! », bruyamment encouragée par sa cour. Tenez-le pour dit : le monde appartient aux célibataires sans enfants ! Moi aussi il m’est arrivé, avant d’être mère, de pester contre les brailleurs qui vous gâchent un Paris-Strasbourg dès les premières minutes, mais je n’avais que compassion pour les parents, jamais je n'aurais osé ne fus-ce que penser un truc du genre « putains ils abusent, qu’ils restent chez eux et qu’ils ne viennent pas emmerder le monde ». Faut dire que j’étais aussi plutôt du genre soumise que meneuse de bande, pas populaire pour deux sous, y’a peut être un rapport. Et ce qui me sidère c’est surtout à quel point la barre est haute, le niveau d’arrogance auquel il faut aujourd’hui arriver pour briller face aux copains. Jusqu’à la confrontation directe, frontale, en appliquant la politique de la terre brûlée, après moi le déluge et qui m’aime, me suive. La puissance des attaques est inversement proportionnelle à la maturité de l’état d’esprit, c’est l’inconscience contre la responsabilité, la guerre assurément : qui n’est pas comme eux - jeune, rebelle et sans attache - est forcément contre eux.
L’adolescence a ceci d’effrayant qu’il ne semble pas y avoir de limite à la surenchère, les actes se succèdent dénués de sens, tout peut arriver. Face à tant de grossièreté, je suis restée bouche béé, ahurie, et j’ai fini par tourner le dos à l’impertinente en la traitant de « chocotte » incapable de supporter un inoffensif caca de bébé. Vous imaginez cependant comme j’ai ruminécelle-ci ou celle-là), comme j’aurais aimé lui faire remarquer que sans la signature de ses parents elle n’aurait pas l’autorisation de poser son joli cul dans l’avion et tant que ce sera moi l’adulte, et donc le décisionnaire, j’aurais le droit de lui foutre le cul poisseux de mon bébé dans la tronche tant que je veux. Cependant, vu le déséquilibre du rapport de force, je n’avais sans doute pas intérêt à me Delarutiser ainsi. Mais si vraiment un jour je réussis enfin à avoir une fille, il faut que je trouve un moyen pour qu’elle n’ait jamais 16 ans. Des idées ?