Notre brève carrière en agence de mannequins pour bébé
A l’époque du « travailler plus pour gagner plus », il n’est jamais trop tôt pour se mettre au turbin et depuis le temps qu’on me répète que j’ai engendré un vrai « poupon Pampers » et qu’il devrait « faire de la publicité », j’ai fini par envoyer quelques photos de mon fils cadet à trois agences triées sur le volet. A vrai dire, j’avais été échaudé par une précédente tentative avec Junior N°1 qui, avec la subjectivité gâteuse qui caractérise toute nouvelle mère, était pour moi,
à l’évidence et sans conteste possible, le plus beau bébé du monde. Je fus vexée comme un pou quand la dizaine d’agences parisiennes ne partageant ostensiblement pas mon avis m’ont renvoyé poliment les photos, la mode n’étant pas au bébés chauves et joufflus aux yeux même pas bleus. Par contre, avec le profil aryen du second, ça n’a pas fait un pli, deux agences sur trois m’ont répondu le jour même de réception des photos, prêtes à lui signer un contrat illico. La sélection s’est faite naturellement puisque j’avais le choix entre l’usine, traitée en numéro par une nana à la poignée de main fuyante qui n’a pas daigné jeter un œil sur la future star, et la boutique familiale, reçue par une vraie pro qui n’a pas ménagé ses conseils, tenant mon fils dans ses bras durant tout l’entretien.
Moi, c’est ça que je cherche, un contact chaleureux et professionnel, je m’en fous d’avoir dix SMS de casting qui m’arrivent par jour. C’est le divertissement qui m’attire, pas le job, la carrière ou la rémunération. Vaut mieux d’ailleurs car, soyons clairs, financièrement ça n’a aucun intérêt. Quand on prend en compte le temps qu’on met à courir les castings (qui mobilisent maman et enfant), le coût de l’essence et du temps/homme, le fait qu’un bébé ne peut travailler plus d’une demi heure par jour (même s’il est payé pour deux heures), qu’il ne touche qu’un tiers de la rémunération (10% pour les parents, 90% bloqués sur un compte jusqu’à ses 18 ans) et qu’on fait la balance, tout ça peut finir par coûter plus cher que ça ne rapporte. Mais après tout, si on en a le temps et l’envie, pourquoi pas… et pour ce qui tient du casting lui-même, j’avoue que c’est plutôt distrayant, bébé s’amuse avec ses congénères pendant que les mamans discutent entre elles et l’attente n’excède jamais les trois quarts d’heure.
Et pourtant, je m’interroge déjà quant à l’opportunité de poursuivre cette expérience car, contre toute attente, c’est autour et non pendant le casting que le bas blesse, surtout pour trois raisons :
- Tous les castings sont dans l’ouest parisien alors que j’habite l’est et n’ayant pas le courage d’affronter les transports en commun avec bébé et poussette, j’en ai pour trois heures de voiture à chaque fois, avec le stress du trafic parisien en sus !
- J'ai des considérations que je ne devrais pas avoir, hésitant à sortir bébé dans le jardin pour qu’il ne se fasse pas bouffer par les bestioles ou recommandant à mon mari de « ne pas l’abîmer » quand je le laisse avec lui, inquiète des bosses ou des boutons qui pourraient lui faire louper un casting.
- Enfin, je n’arrive pas à m’en foutre quand il n’est pas choisi, je n’arrive pas à ne pas le prendre personnellement, à ne pas être déçue et vexée quand il est finalement recalé pour son premier casting comme ce fut le cas alors qu’il était en finale… pourtant, tout ça ne devrait pas avoir d’importance.
Bref, je doute de ma capacité à maintenir cette expérience dans le domaine du pur divertissement, pour moi comme pour mon bébé… De toute façon, dès que je recommencerai à travailler, ce sera fini et j’espère bien avoir d’autres projets pour combler le peu de temps libre qu’il me restera avec mes fils. En attendant, autant que cette expérience vous serve, à vous qui être tentée par une carrière de mannequin pour votre progéniture. Voici donc quelques conseils de plus :
- Inutile d’envoyer les photos à une dizaine d’agences, choisissez-en 3 ou 4 (les agences conventionnées du marchés se valent plus ou moins toutes), si aucune ne répond positivement dans les 48 heures, c’est que bébé n’a pas le profil… il n’en reste pas moins le plus beau du monde aux yeux d’une personne au minimum, vous, et une fois adulte il se vengera de tant d’indifférence, donnant tord à ces gens conventionnels de si peu de goût.
- Pour un bébé, privilégiez les gros plans sobres et simples (ils s’en foutent du corps). Toutes les photos avec accessoires, grimaces, barbouillages… sont à proscrire, même si vous les trouvez craquantes, ainsi que celles où bébé a une tache, un bouton ou une marque sur le visage, il paraît que du coup le client ne verra que ça (pour lui, le « produit » est « abîmé »).
- Ne vous affolez de la foule au casting (à cet âge, ça dépote vite, quelques photos et c'est fini) ni de la forte proportion de nanas filiformes aux jambes de deux mètres de long et aux cuisses plus maigres que vos bras, ce ne sont pas les « vraies » mères des bambins présents, mais des mannequins qui sont là pour incarner la maman de votre bout de chou à l’image (mieux vaut éviter cependant de discuter avec elles, au risque de réaliser que certaines sont en plus effectivement mamans et ça, c’est super déprimant !)
La suite au prochain numéro…