L’œil de la ménagère : Mère un jour, mère toujours !
Quoi qu’on dise, qu’on écrive, qu’on pense d’Ingrid Betancourt, de sa libération et de son attitude, je défie toute mère d’avoir su rester insensible aux images qui tournent en boucle dans l’actualité depuis. Au-delà de la sérénité presque incongrue du personnage, de son éclatante aura et de l’impact de ses propos, ce sont surtout les images d’une femme se jetant dans les bras de sa mère, d’une maman retrouvant ses enfants après des années de séparation qui forcent l’empathie et bouleversent. Moi, c’est bien simple, je chiale à tous les coups ! J’en ai le cœur tout serré. C’est plus fort que n’importe quel film de fiction. Dans ces moments-là, je pourrais presque dire que JE SUIS Ingrid Betancourt… et accessoirement, la démonstration vivante d’une des convictions défendues dans mon dernier bouquin "L’après-accouchement, tout ce qui vous attend vraiment" (sortie le 17 septembre) : Devenir mère marque la fin de l’indifférence.
Devenir mère, c’est se découvrir une sensibilité nouvelle, c’est se connecter au génie maternel avant même d’en exercer la fonction. Ainsi, on devient mère universelle avant même de se sentir devenir la mère de son enfant, avec des compétences et une perception du monde altérée à jamais. En donnant la vie, on rentre dans le cercle des initiés, reliés par un fil invisible à toutes les mères du monde. On devient mère de tous les enfants du monde, touchés dans nos tripes par ce qui leur arrive, au point qu’on ne regarde plus jamais les informations de la même façon… quand on arrive encore à les regarder ! C’est ce que raconte Marie Darrieussecq avec beaucoup de justesse dans son roman (incontournable) Le Bébé, « Maintenant, quand je vois à la télévision, sur les routes d’un pays en guerre, une femme tenant dans ses bras un bébé, je me demande si elle a pu le nourrir, si elle a pu le changer ; je sais qu’elle pense à ça ; je conçois pour la première fois le stress intense qu’elle subit » ou, plus loin, dans le même esprit, « Après le coup de fil alarmiste d’un ami londonien, le tour que prennent mes pensées je l’ignorais possible : j’étais fataliste, flottante, incrédule, maintenant je suis cette mère qui se demande, fugitivement, où trouver à Paris un masque à gaz en taille six mois. » Pour nous toutes, Ingrid Betancourt n’a rien d’une icône désincarnée, c’est une sœur, une inspiratrice, un exemple, celui d’une héroïne qui n’a renoncé à rien, ni à son destin de citoyenne du monde, ni à son destin de femme, ni à son destin de mère.