Prendre la parole en public : et si c’était une affaire de mécanique ?
Je parie que certains d’entre vous qui m’ont vu m’exprimer en public, à la télévision ou ailleurs, ont admiré ou envié mon aisance… alors même que j’étais terrifiée, en sueur, la gorges sèche, l’estomac serré, le cœur battant jusque dans mes oreilles, avec l’envie de me réfugier au sixième dessous pour éviter d’affronter l’audience, persuadée d’être brouillonne et parfaitement inefficace ! Si vous croyez que « savoir s’exprimer en public » c’est se sentir à l’aise, sûr de soi et sans appréhension, vous avez tout faux ! D’abord parce que le talent n’empêche pas le trac, ensuite parce que l’impact que l’on croit avoir, n’a souvent rien à voir avec l’impact que l’on voudrait avoir ni avec l’impact que l’on a réellement. En tout cas moi qui fais des réunions, des conférences, des émissions depuis plus de vingt ans, je peux vous dire que je me sens toujours comme un imposteur sur le point de se faire démasquer à chacune de mes interventions… et, hormis quelques rares moment de grâce, je me sens toujours « nulle », en tout cas nettement en dessous de mon « moi » idéal, de la façon dont je me suis imaginé tenir cette réunion, cette conférence ou cette émission.
Heureusement, je suis une pro de la com et je sais appliquer des solutions mécaniques pour contrer mes déficiences humaines et ne pas laisser mes émotions se mettre en travers de mes objectifs. Et je me suis dis que, même s’il existe des tas de livres de recettes pour convaincre en 5, 4, 3 minutes…, vous pourriez tirer quelque inspiration des ingrédients de ma popotte maison. L’idée maîtresse, c’est de faire le contraire de ce que vous avez spontanément envie de faire.
- Au lieu d’adopter un profil bas, une voix discrète, de vous mettre en apnée et de déballer ce que vous avez à dire, le plus vite possible pour « déranger » votre audience le moins longtemps possible, prenez une profonde inspiration, ancrez vous dans le sol, regardez votre audience (une ou deux personne dans les yeux, pas un point fixe dans le néant, encore moins vos pieds, vos fiches ou le tableau), avant même de prendre la parole.
- Ne cherchez pas à tout dire, mais identifiez cinq points clés à faire passer, préparez votre discours, répétez le, apprenez le par cœur au besoin, histoire d’en imprégner votre cerveau, mais n’y soyez pas attaché comme un noyé à sa bouée, n’hésitez pas à vous en éloigner, vous y reviendrez naturellement grâce à votre préparation, à votre « marquage » préalable.
- Une fois que vous vous lancez, dépassez votre peur en y mettant 100% de vous-même et 100% d’énergie, éminemment contagieuse, parlez d’une voix forte et claire, ce qui pour le commun des mortels hormis moi veut dire que vous devrez avoir sensiblement l’impression de crier.
- Et surtout, ne galopez pas, ne faites pas la course, parlez len-te-ment, en privilégiant les phrases courtes, ne comprenant pas plus d’une idée chacune, terminez une phrase avant d’en commencer une autre, mâtez votre cerveau pour ne pas vous laisser entraîner par le flux d’idées… et n’ayez pas peur des silences, des blancs, des pauses, dont votre audience a besoin pour vous suivre et assimiler un concept après l’autre.
Enfin, ne vous fiez pas à vos émotions (provisoirement mis en quarantaine) et ne vous attendez pas à vous sentir forcément « bien », à la rigueur vous sentirez-vous moins mal quand l’audience manifestera un certain répondant (qui se « lit » souvent sur le corps, penché vers l’avant, le regard connecté, etc.) mais vous pouvez aussi avoir l’impression d’être "nulle" durant toute l’intervention et tomber des nues quand on vous dira, comme à moi, « dis donc, t’es super à l’aise en public, qu’est-ce que j’aimerais être comme toi ! »