La mort dans l’âme
Je vous préviens, je vais un peu plomber l’ambiance avec un sujet qui tend à me préoccuper sérieusement depuis que j’ai commencé à dévaler la deuxième partie de ma vie. J’ai en effet pris conscience d’une réalité qui jusqu’alors ne m’avait pas franchement effleuré, comme si elle ne me concernait pas, alors qu’il est clair que je n’y échapperai pas. C’est une même finalité qui m’attend au bout du chemin, voire au tournant. Quoi que je fasse, c’est bien la mort qui aura le dernier mot. Et comme disait François Mitterrand « Je sais bien que je vais mourir un jour, mais je n’arrive pas à y croire ». Cette idée m’est insupportable. Mourir, ça ne me ressemble pas, c’est pas mon genre. Vous autres mères me direz sans doute : « c’est normaaal, c’est comme ça quand on a des enfants ; on a l’impression qu’on ne peut plus mourir, qu’on ne peut pas leur faire ça ; on se dit, mais qu’est-ce qu’ils deviendront sans nous ? ». Mais non, fidèle à ma réputation de mauvaise mère qui s’assume, j’en ai rien à battre. Certes, s’il devait leur arriver quelque chose, je ne crois pas que j’y survivrais, mais c’est une autre histoire. Si eux me survivent, ils s’en remettront, car la vie, leur vie, continue... pas la mienne. Perdre sa mère, c’est mourir un peu, mais perdre sa vie, c’est mourir beaucoup ! C’est donc très égoïstement que je m’inquiète de ma propre mort, de ce néant pour solde de tout compte, de cette maladie incurable que je porte en moi par ma naissance même. J’ai beau savoir que c’est son caractère éphémère qui donne à la vie sa saveur et sa valeur, je n’arrive pas à me résigner à l’idée qu’on me reprenne un jour ce cadeau. Qu’importe la trace que je laisserai puisque je ne serai plus que cendre, qu’importe les autres, qu’ils se débrouillent. S’il en a une qui aura alors un vrai problème, définitif et insoluble par nature, c’est bien moi ! Et après moi le déluge ! C’est ma disparition dans l’ici et le maintenant qui me préoccupe en premier chef. Certes, je suis croyante, mais le doute fait bien partie de la foi. N’est-il pas insensé de croire ? Et si je me trompais ? Et s’il n’y avait rien après, que des racines qui se nourriront de ce qui reste de moi ? Et comme ça ne va pas s’arranger, qu’il n’y a aucun remède, pas d’échappatoire possible, que c’est probablement même le seul destin démocratiquement partagé par tous, à plus ou moins longue échéance, j’aurais intérêt à me faire à l’idée ; à l’apprivoiser ; à m’y habituer. Mais comment on fait ça ? On y pense un peu tous les jours ? On lève le pied puisqu’à quoi bon ? ou au contraire, on se jette dans la vie pour anesthésier ses pensées morbides ? Vous en pensez quoi, vous ?