Job de rêve ou précarité intellectuelle ?
C’est la rentrée des « Desperate Working Girls », j’attaque donc bille en tête avec un sujet « boulot » en rebondissant sur un article de Libération consacré récemment aux « Pauvres Esprits », ces chercheurs, artistes, écrivains, surqualifiés et bosseurs mais payés au lance-pierre. Le journal nous narrait ainsi l’histoire de Pierre, d’abord libraire, qui publie quelques premières œuvres, puis écrit dans une bonne revue, travaille dans une agence de communication, reprend ses études, devient vacataire à la Bibliothèque nationale, commence un roman, fait le nègre, trouve un créneau en publiant un livre bien négocié sur les découvreurs du monde, décliné en CD-Rom, expositions, festivals, et s’engage aujourd’hui dans une nouvelle aventure télévisuelle et éditoriale. Voilà un parcours qui génère en moi plus d’envie que de pitié ! Certes : pas de sécurité de l’emploi, une gratification plus morale que pécuniaire, l’obligation de cumuler les boulots, des passages à vide succédant aux périodes fastes, mais pouvoir dire en contre partie que son travail, « ce n’est que du bonheur ». Et si la précarité était le prix à payer pour faire rimer travail et bonheur ? Vivre de son art est un privilège rare. C’est déjà une chance de faire un job qu’on aime, de travailler avec plaisir. La vraie précarité c’est d’avoir un boulot ingrat auquel on s’accroche comme une moule à son rocher de peur d’être noyé par le chômage, avec la certitude qu’on ne trouvera pas mieux et qu’on ne gagnera jamais plus ! Moi j’en suis encore au point où je n’en reviens pas qu’on puisse être payé pour faire ce qu’on aime vraiment. Quand ma mère, artiste peintre tout ce qu’il y a de plus amateur, vend une toile, je suis épatée. Qu’un inconnu puisse payer une inconnue pour son art, n’est-ce pas le comble de la gratification ? Et qu’importe si la somme versée ne couvre même pas les frais du cadre. La première fois que j’ai vu mon nom sur la couverture d’une publication pour des études « payées au compliment », j’étais pétrie de fierté. Quand j’ai écris mes guides touristiques, je n’ose évoquer le prix horaire ridicule auquel j’ai travaillé, perfectionniste comme je suis, mais je trouve déjà extraordinaire d’avoir été payée pour faire ces voyages virtuels. Enfin, quand Stock m’a annoncé le montant de mon avance sur droit d’auteur, j’ai fais un « glurp » et j’ai manqué tomber de ma chaise. Se doutait-il que j’étais prête à leur fournir mon manuscrit pour rien, à lui qui me faisait l’insigne honneur de croire en moi et de m’éditer ?
Evidemment, si je peux me permettre d’être aussi détachée, c’est parce que j’ai un truc, ça s’appelle un métier. Un métier (le développement des agences de communication, pas très glamour) dans lequel j’ai une expertise qui vaut cher sur le marché. Mes activité créatives et artistiques annexes sont comme des loisirs payés. Je n’ai jamais osé ma lancer dans l’inconnu, accepté la précarité, pris le risque de me retrouver fauchée, sans boulot car ne sachant rien faire d’autre. Certes, en choisissant le compromis, ne renonçant ni au job rémunérateur ni à mes rêves d’artistes, je n’aurais de carrière spectaculaire ni dans l’un, ni dans l’autre, mais au moins je ne me retrouve pas désoeuvrée, à attendre à côté du téléphone… c’est comme ça qu’on se retrouve un jour dans La Ferme ! Alors que moi, j’en suis encore à la pub d’époque « le bonheur, c’est simple comme un coup de fil ». Je me souviendrais toute ma vie des appels de l’éditeur Franck Spengler, des équipes de Christine Bravo ou de Stock, de la secrétaire de Jean-Luc Delarue, dont l’évocation du nom à lui seul a failli provoquer une syncope. Et même si les projets n’aboutissent pas, rien ne vaut l’excitation de ce premier contact où tout est possible. Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de personne, j’ai mon blog qui me donne toutes les satisfactions que j’espérais de mes activités artistiques : un espace de libre expression et de créativité débridée, un lieu d’échange et de transmission d’expérience, avec un public qui m’apprécie et qui vient juste pour moi ! Et voilà qu’un éditeur me contacte, passe commande (*) et fait de ce blog, engendré par plaisir il y a 2 mois seulement, un moyen de mettre du beurre dans mes épinards. Elle est pas belle la vie ? (*) Projet ultra-secret-peux-pas-en-dire-plus-ou-ce-message-s’autodétruire-dans-la-seconde, mais disons que je travaille sur la thématique « comprendre son homme pour mieux l’éduquer » et j’en suis au chapitre « Pourquoi l’homme rechigne à communiquer et ne sait pas écouter ? ». Z’auriez pas des idées ou des expériences à partager ?