Le film à voir : « Ne le dis à personne » où comment réconcilier film de genre et film d'auteur
Il fut un temps où je ne vivais que pour le cinéma, je m’avalais trois films par semaine, j’en faisais des critiques passionnées, je voulais devenir critique de cinéma et peut-être un jour réalisatrice, bien qu’actrice m’aurait très bien convenu aussi. Et puis, j’ai grandi, j’ai mis un peu plus de cinéma dans ma vie et passé un peu moins ma vie au cinéma… même si aujourd’hui encore, je rêve de faire partie d’un pool de scénaristes, histoire de marier mes trois passions : le cinéma, l’écriture et les relations humaines.
Bref, tout ça pour dire que je viens de voir un film qui, pour la première fois depuis longtemps, a réveillé ma passion cinéphile et m’a donné envie de partager mon emballement avec vous : « Ne le dis à personne » de Guillaume Canet, un film qui n’a pas attendu mon soutien pour cartonner, et ce n’est que justice.
S’il est vrai qu’un bon film, c’est avant tout une bonne histoire, encore une bonne histoire et toujours une bonne histoire, « Ne le dis à personne » est déjà un sacré bon film, un thriller avec du suspens, des rebondissements, de l’action, tous les ingrédients du film de genre. Mais il faut s’appeler Télérama, qui en matière de cinéma a parfois autant de flair que moi quand je choisis une queue de supermarché, pour ne voir dans ce film que l’application de « recettes ». Pour être un film de genre, « Ne le dis à personne » n’en est pas moins un film d’auteur, c’est ce qui lui donne sa force, son charme et sa personnalité. Guillaume Canet s’était déjà montré un bon faiseur, exigeant et maître de ses basique dans son premier film « Mon idole » mais cette fois-ci, il va au-delà de l’exercice de style classique, osant les ruptures de rythme, les tunnels de dialogues, les emprunts hétéroclites, les moments poétiques et contemplatifs.
Il réussit même à dynamiter et à faire siennes les règles du thriller "à l’américaine". Dans « Ne le dis à personne », transposition francisée d’une intrigue de Harlan Coben, les personnages les plus forts sont des femmes et la mythologie des banlieues remplace celle des mafieux de Scorsese, avec son code d’honneur, la solidarité et l’instinct de survie comme seules motivation, les flingues et la castagne comme uniques moyens de communication. Guillaume Canet nous gratifie même d’une course poursuite haletante "à l’américaine"… à la française. C'est quoi la différence entre la course poursuite "à l’américaine" à l’américaine et la course poursuite "à l’américaine" à la française, me direz-vous ? C’est que notre héros, même s’il est gorgé de testostérone et court aussi vite que ses homologues américain, entraînant les carambolages et les bagarres qui s’imposent, n’en reste pas mois humain : il souffre, il s’essouffle, il se latte même la tronche en glissant sur une flaque et surtout, il transpire ! Vous en avez déjà vu, vous, des héros américains avec des auréoles de sueur ? Mais au-delà de la brillante mise en scène d’un fou de cinoche touche à tout, Guillaume Canet réussit à faire passer ce que la maîtrise technique seule ne permet pas et empêche même parfois : l’émotion. Jusqu’à l’apogée finale qui tire les larmes aux yeux et transforme définitivement le thriller haletant en histoire d’amour mythique. Enfin un film français où on en a pour son argent, ou chacun y trouve son compte, alors qu’est ce que vous attendez ? Courrez-y !
D’ici-là, vous n'auriez pas un film à me conseiller (ou à me déconseiller), vous ?