L'oeil de la Ménagère : Et encore un hiver de plus, un !
J’ai beau entamer mon 41ème hiver (on admettra aisément que je ne compte pas celui qui s’est déroulé entre mes 0 et 6 mois, probablement le seul dont je n’ai pas souffert, du moins consciemment), je n’ai toujours pas réussi à me faire à cette période de l’année où le froid me pétrifie. A chaque fois je panique et je me dis : « Mais comment je vais faire pour survivre cet hiver ? ». Je me traîne, je ne suis plus que l’ombre de moi-même. J’ai l’impression d’émerger du coma à chaque que je me lève, d’affronter le grand nord sibérien à chaque fois que je sors, de déplacer un cachalot quand je bouge ma carcasse. Les coups de fils, les sollicitations m’exaspèrent, le fisc m’achève. Le ménage devient une vue de l’esprit. Je perds toute énergie, tout désir, toute envie d’exister même. J’aimerais rester dans ma tanière, laisser mon mari et mon gamin tourner en auto-suffisance. Si j’en avais le pouvoir (vivement l’époque des grands mutations héroïques), j’hibernerais bien quelques mois pour me réveiller avec les premiers bourgeons du printemps. Je sais bien que je vais finir par m’y habituer, que mon corps va se blaser comme toujours, que cette sensation d’être gelée jusqu’à l’os va finir par s’estomper. La trêve de Noël va m’aider à franchir le cap, après tout, elle a été inventée pour ça. Et en attendant, je prendrai mon mal en patience entre doudounes, bouillottes, chocolat chaud, blogs et gros câlins (dernier point que d’aucuns pourraient m’envier, je vous l’accorde). N’empêche que c’est un peu plus pire pour moi vu que mon anniversaire est généralement synchronisé avec l’offensive hivernale. J’ai abandonné l’ambition d’organiser une petite sauterie un peu formelle, depuis que j’ai du m’expliquer en pleurs face à un restaurateur qui avait réservé son établissement pour moi et qui n’a vu débarquer (et donc payer) que la moitié des invités prévus. Parce qu’en novembre seuls les Alsaciens (d’une fiabilité à toute épreuve) et les amis irréductibles (quoi que…) arrivent jusqu’à vous. Les autres sont décimés par les grippes et les virus, les accrochages automobiles et les tempêtes de neige (pire qu’un film catastrophe américain, j’vous jure), s’il ne sont pas tout simplement abattus par le gros coup de blues du dernier moment ou le découragement à l’idée de sortir de chez soi. D’ailleurs, même passer un coup de fil pour prévenir est alors au dessus de leur force. Peut-être croirez-vous détecter un rien d’amertume dans mes propos, mais c’est juste une analyse lucide des faits et rien ne sert de luter contre les moulins à vent. Je m’y suis fait, je vous assure. De toute façon, à mon âge, il est presque indécent de continuer à fêter chaque année passée qui me rapproche un peu de plus de la mort, dans une période plutôt propice aux idées noires (la preuve !). Bon, là, normalement, je devrais trouver une chute, mais comme un des effets secondaires de l’hiver est de me priver du tiers de mes capacités intellectuelles, je vais vous laisser là. J’irais bien me jeter dans la Seine mais avec la chance que j’ai, elle doit être gelée. Comme disait ma copine Helen Life is a Bitch and than you die. Bon hiver à tous !