L'Oeil de la Ménagère : A corps perdu !
Petite conversation avec mon mari l’autre jour.
Lui : « T’as pris du poids récemment ? »
Moi : « Pourquoi, t’as remarqué ? »
Lui « Ben, oui »
Il sait pourtant, l’affreux goujat, combien j’ai besoin qu’il m’accepte telle que je suis et non pas qu’il m’enfonce la tête sous l’eau alors que je suis en train de me noyer. Mais pour que mon mari se risque à un tel aveu, sur un sujet qu’il sait tabou
- et Dieu sait qu’il y en a peu dans notre couple - c’est que l’heure est grave ! C’est bien simple, voilà trois ans que j’ai perdu mon corps, disparu dans les strates de ma grossesse. Voilà trois ans que je me dis qu’il faut que je me reprenne en main et trois ans que je me trouve des excuses, avec un opportunisme, un aplomb et une mauvaise foi qui confinent au génie.
D’abord, il y a eu l’accouchement où je me suis fait arnaquer grave n’ayant perdu que le minimum syndical : 5 kg, soit le poids du bébé plus celui du placenta. La fatigue et l’allaitement ont fort légitimement annihilé toute tentative dans les premiers mois. Quand j’ai enfin commencé un régime, mon corps s’est montré si peu coopératif, visiblement très à l’aise et bien au chaud avec toute cette graisse, que j’en fus vite découragée.
Puis le ballet des excuses à commencé : trop stressée par le chômage… puis trop stressée par mon nouveau job. C’était jamais le bon moment, on verra plus tard, après l’anniversaire, après les vacances, après les fêtes... Au début de l’année, j’ai arrêté la pilule ce qui, c’est bien connu, fait grossir. Puis on m’a diagnostiqué des kystes, rien de bien grave, sauf qu’il me fallut prendre un médicament qui a la réputation de « faire gonfler ». L’aubaine ! La méga super bonne excuse ! Tranquille pour six mois ! Mais voilà que mon traitement est terminé et que mon mari m’assène son verdict fatal. Je doute cependant que cet acte téméraire suffise à provoquer un quelconque déclic, tout au plus un vague à l’âme. De toute façon, avec son ventre de buveur de bière est-allemand, Monsieur Double Gras ferait bien de s’occuper d’abord de sa couenne avant de s’inquiéter de la mienne, non mais !
Pour être honnête, ce qui me préoccupe vraiment, c’est que Noël approche et que les soirées petits gâteaux et les ripailles festives (qui a dit, encore une excuse ?) ne vont certainement pas me permettre de corriger le tir d’ici-là.
Et là, à Noël, je serais confrontée à un jugement autrement sans appel et sans concession : celui de ma mère ! Devant elle, pas de feinte, pas d’échappatoire possible. Elle me tanne pour que je maigrisse depuis trois ans et même si je la retrouve terrassée au fond du lit par un accès de delirium tremens, elle geindra sur ma ligne perdue et me prendra la tête « Tu comprends, ma fille, tu es si jolie, c’est dommage ». Dommage pour qui ? Pour moi, pour elle, pour le regard des autres ? Elle aussi, pourtant, devrait « m’accepter telle que je suis » mais elle ne pourra pas s’empêcher d’en faire une affaire d’état. Je suis bien tentée de la prévenir de ne pas évoquer mon poids quand j’arriverais, mais elle prendra la directive pour un aveu et m’assènera un insupportable « Ohh Juliette » porteur d’une incommensurable déception.
Alors que faire ? Ne pas venir à Noël ? Voler la garde robe de Marianne James ? Demander un nouveau corps au Père Noël ? Attendrez que vous me donniez tous un grand coup de pied salutaire ? Me mettre au régime, là, maintenant, tout de suite ? Oui mais, pfff, excusez-moi, franchement, vu que je cherche à être enceinte, est-ce que ça vaut vraiment le coup, hein ?