Saint Maur : un village gaulois au pays de l’immobilier
S’il y en a un qui me donne vraiment l’impression de vivre dans un autre monde, c’est Stéphane Plaza dans l’émission « Vends appartement ou maison »,. Je le vois tancer d'infortunées familles contraintes de « dépenser plus pour vendre moins », obligées d’appeler artisan et décorateur en renfort pour transformer leur bien en maison témoin aseptisée, liftée et relookée, capable de provoquer le « coup de cœur » indispensable à la vente. Et encore, ce fameux coup de cœur s’accompagne généralement d’une proposition bien en dessous des expectations des propriétaires, lesquels finissent par céder car, en temps de crise et de lendemains incertains, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Je n’ose imaginer la galère de ceux qui n’ont sous la main ni Stéphane Plaza, ni consultant, décorateur ou retapeur à l’œil, qui n’ont ni les compétences, ni le temps, ni les moyens de s’acquitter des « trois fois rien » (genre, construire une terrasse ou un escalier) recommandés par Stéphane Plaza ! Et pourtant, il existe un monde préservé de ce genre de problématique, un paradis dans lequel le propriétaire est roi et où la moindre bicoque fait de vous un nanti. Ce paradis s’appelle Saint-Maur. Car à Saint Maur, on n’achète pas seulement une maison, on achète une qualité de vie, on achète son lot de campagne à la ville, on achète un bout d’éden niché dans la « dernière boucle de la Marne avant qu’elle ne se jette dans la scène » (le prospectus de la ville vaut bien celui d’Hawaï). Ici, on cesse d’habiter « la banlieue », ce truc impersonnel et sans âme qui gravite autour de Paris, pour devenir saint-maurien. Ici, c’est sus aux HLM, aux voies rapides et à tout ce qui pourrait altérer le cadre de vie, mais c’est aussi la garderie gratuite à l’école, 4 stations de RER en zone 3, des impôts locaux raisonnables et cet inimitable « esprit village » qui dépasse l’argument électoral. Ici, le quidam vous indique le chemin (quitte à chercher un plan chez lui) ou vous ramène l’original du document oublié dans la photocopieuse de la poste (que du vécu). Ici, vous connaissez vos voisins, qui viennent faire connaissance, vous proposent leur aide, vous offrent leur excédent de fruits ou vous invitent à la « fête de la rue ». Il ne manque plus que les cookies et le plat de Lasagne pour se sentir à Wisteria Lane ! Mais cette qualité de vie, ce cadre privilégié, ce plan d’urbanisation préservé ont leur prix ! A Saint Maur, l’offre immobilière est rare, la demande pléthorique et le marché trusté par des investisseurs aguerris qui se jettent comme des charognards sur les meilleures opportunités. C’est dire si les propriétaires n’ont que faire des conseils de Stéphane Plaza. A Saint Maur, le prix moyen, la hausse, la baisse, tout ça ne veut rien dire : Une maison se vend au prix que l’acheteur est prêt à débourser, point, et le moindre mètre carré se négocie à prix d’or.
Et pourtant, il existe encore à Saint-Maur une irréductible locataire qui se rêve en VIP (Very Important Propriétaire) et qui aurait bien besoin d’un Stéphane Plaza pour y parvenir : c’est moi, Juliettix, l’acheteuse damnée, car ici, qui n’est pas déjà propriétaire est forcément « pauvre »... alors qu'il suffirait que je traverse la Marne pour que mon budget de 400 K€ tout compris, risible ici (alors qu’il représente quand même toutes mes économies plus 20 ans d’endettement) retrouve ses lettres de noblesse et pour que j’ai accès à de vraies maisons à la place des cabanes que nous visitons (quand nous en visitons). Mais que voulez vous, c'est trop tard, j’ai attrapé le virus Saint-Maur, j’y ai pris racine, c’est devenu « ma ville », ma terre, mon chez moi, et les quitter serait pour moi un déchirement ! Alors, en attendant que Stéphane Plaza vienne me sauver, pas un Romain ne pourra m’en déloger !