L’homme et le régime, « Rendez-moi mon steak où je fais un malheur ! »
Il est de notoriété publique que les hommes n’ont pas du tout le même rapport à la nourriture que nous autres femmes, qui commençons un régime chaque lundi matin pour craquer sur le pot de Nutella dès mardi soir et nous flageller mentalement toute la nuit qui suit ! Quand l’homme mange trop, c’est souvent parce qu’il cède à des travers typiquement masculins : la paresse, le laissé allé, la luxure, son estime de soi n’est pas en jeu, il ne ressent ni culpabilité, ni désir de perfection, les deux ferments de notre insatisfaction. Se priver, c’est pas son truc ! Obligez un homme à sauter un repas et vous le mettez dans le même état d’affolement et de colère qu’un nourrisson dont le biberon tarde à venir car le mâle, tel un bébé, ne supporte pas la non satisfaction de ses besoins primaires. Il y a donc peu de chance qu’il ait testé les régimes fantaisistes, tout fruit, omelette à chaque repas ou diète au bouillon qui détraquent le métabolisme. On pourra le forcer à changer son alimentation, mais il n’acceptera jamais de crever la dalle pour la (prétendue) bonne cause. L’esthétique sera d’ailleurs rarement une motivation suffisante, le mâle tend à manifester bien plus d’indulgence vis-à-vis de son corps et de ses poignées d’amour que ses homologues du sexe féminin qui possèdent un radar capable de détecter les graisses même imaginaires. Ainsi, quand les hommes entreprennent un régime, c’est
1. Pour des raisons plus ou moins médicales et
2. Une fois pour toute.
Les hommes, oui… mais pas mon mari. Côté régime, c’est une vraie meuf !
Je ne calcule plus le nombre de fois où il a commencé un régime, jurant que cette fois-ci c’était la bonne, et où je l’ai vu craquer en moins de 48 heures.
Le nombre de fois où il est rentré du travail avec une nouvelle idée fumeuse glanée par ouïe dire, dont la dernière est tellement gratinée qu’il ne l’a même jamais mise en application : ne manger qu’une pomme au repas du soir. Le nombre de fois où je l’ai vu avaler tel Gargantua en un seul repas chez sa mère l’équivalent des calories que j’ingurgite en une semaine. Le nombre de fois où il m’a annoncé crânement le peu de calories avalées dans la journée en touchant du bout de la fourchette le dîner mitonné à son intention et où j’ai retrouvé au matin la boîte de petits gâteaux du fiston vide à ses côtés. Hier encore, il m’a tué d’un interrogation en règle, tableau alimentaire weight watcher à la main, pour connaître la valeur calorique de son déjeuner (chicken wings et potatoes, soit 13 raisonnables points), est-ce qu’il aurait mieux valu qu’il prenne une pizza ? (de 14 à 20 points, donc non) et de comment ça se fait qu’il ne maigrit pas alors que je lui concocte des dîner à moins de 10 points ?
Sachant qu’il est supposé avoir un métabolisme qui lui permet de brûler les graisses sept fois plus vite que moi et qu’il a perdu 1,5 kilos au terme de ma première semaine chez WW grâce aux dîners allégés et ce, malgré ses écarts, c’est en effet étrange. En creusant un peu, voilà qu’il m’avoue avoir bu deux chocolats chauds (8 points), pris deux muffins au petit déjeuner (12 points) et mangé un brownie en dessert (8 points), soit plus en grignotage que le total de points (21) que j’absorbe chaque jour dans le cadre de mon régime !
En même temps, tout ça, c’est sûrement de ma faute. Quand je l’ai connu, il avait 25 ans et moi déjà 33, il n’avait jamais fait de régime et n’en avait nul besoin. Quelques 3000 dîners et 2 couvades plus tard, le voilà bardé de couenne, le double menton naissant, l’abdomen concurrençant celui du buveur de bière bavarois, les poignées engraissées de trop d’amour… Quand je vois des photos de lui avant, svelte, jeune et fringant, je me sens coupable de l’avoir fait vieillir prématurément. Certes, je lui ai donné deux fils, des héritiers, forts comme des turcs, mais est-ce suffisant pour compenser la motivation que lui aurait donné une petite jeunette appétissante et que moi, rangée des voitures et proche de la date de péremption, je ne suis plus capable de lui insuffler ?