Moi, aventurière quinquagénaire
Une des particularités de la cinquantaine – si j’en crois mes copines quinquas – c’est le vent de nostalgie qui nous pousse à revoir les personnes que nous avons côtoyé quand nous étions encore jeunes et innocentes.
J’ai ainsi revu cet été une ancienne amie et collègue qui n’en revenait pas que je sois mariée avec des enfants. Non qu’elle doutât de mon instinct maternel, mais elle me voyait comme une « aventurière », libre et sans entrave car résolue à toujours « faire ce qu’elle veut ».
J'ignorais qu’on puisse me voir ainsi – folle oui, mais aventurière ? Je n’ai jamais été ni une fêtarde, ni une rebelle. Je n’ai même jamais rien fait de vraiment « fou », même si mes actes ont parfois été perçus comme tels. Par contre, j’étais audacieuse et déraisonnable (mais pas irréfléchie), avide d’expérience et de suivre ma propre voie.
Si c’est la description d’une aventurière, alors oui, je l’étais… et je le suis toujours. La liberté de refuser toute entrave, tout engagement ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse c’est d’être en mesure de choisir librement mes entraves et mes engagements. C’est ça l’aventure de la vie, ce qui lui donne son intérêt et son sens. « La grande affaire aujourd’hui, disait Patrice Chéreau, c’est d’avoir des convictions personnelles qui ne viendraient pas d’idées enseignées ou apprises mais du respect des autres, ou du moins du manque de mépris des autres ». Ma liberté, je la puise dans ces convictions-là, dans la fidélité à moi-même, qui est la première de mes responsabilités.
Pour moi, le couple, les enfants, c’est juste de nouvelles aventures. Certes ces aventures-là demandent un investissement accru, mais je n’ai jamais eu l’impression qu’elles m’empêchent de « faire ce que je veux ». Je n’ai rien d’une mère sacrificielle. La charité est chez moi toujours bien ordonnée et commence par moi-même. Mon mari, mes enfants, ont le pouvoir de me rendre malheureuse, mais ils n’ont pas celui de faire mon bonheur à eux seuls, et surtout pas à ma place. Ils ne suffisent pas à mon épanouissement. Ayant la faiblesse de penser que mon épanouissement personnel va rejaillir sur eux, je continue à traverser la vie comme une aventure, à saisir les opportunités et les expériences nouvelles qu’elle m’offre en chemin. La vie est toujours une aventure pour qui l’envisage comme telle au lieu de se laisser bouffer par la peur, l’habitude, la paresse, l’indifférence. Et je suis fière d’avoir su construire un couple, une famille, une carrière, une vie, sans sacrifier ce que je suis vraiment : une aventurière dans l’âme.