L'Oeil de la Ménagère : La blogosphère, un nouveau Loft ?

Publié le par Juliette

Avant le blog, les gens avaient aussi des idées, des opinions, des talents à partager mais, sans réseau ni relations, ils n'avaient aucun moyen de les exprimer, de les diffuser. Les projets en puissance dépérissaient, s'ankylosaient, se perdaient dans le quotidien et le métro-boulot-dodo, demandant trop d'effort et de détermination au simple mortel pour avoir la moindre chance de se réaliser. Puis est venu le blog, offrant à l'auteur ou à l'artiste aspirant une aire d'expression de soi, à la femme au foyer la possibilité de faire éclater les limites de son univers parfois un peu trop étriqué, au passionné une source inépuisable pour nourrir son hobby, au travailleur frustré un moyen de s'échapper et d'aller explorer ailleurs une herbe peut-être plus verte? La technique n'était plus un frein pour personne, chacun était libre de créer sa vitrine, de mettre son « soi » virtuel à la disposition de tous.
Et au début, au pays merveilleux des blogotubbies, tout le monde il était beau, tout le monde il était gentil. Normal : La création d'un blog demande une telle dévotion, un tel investissement, qu'il ne peut être qu'un acte généreux. On est dans la gratuité absolue, et qui s'en éloigne sera forcément déçu. Seulement voilà, il n'y a pas que l'argent et le business dans la vie, il y a aussi l'ego. Et au niveau de l'ego, un blog bien foutu, ça rapporte grave. Honnêtement, dans la vie, combien de fois nous arrive-t-il de recevoir des compliments ? Combien de gens viennent vers nous pour nous dire combien ils nous apprécient ? Combien de fidèles ressentent le besoin d'être en contact
avec nous tous les jours, voire de monter au créneau pour nous ? Combien d'occasion avons-nous d'être entendus ? écoutés ? admirés ? appréciés ? encouragés ? congratulés ? Tout être humain marche à la reconnaissance et ce soutien bloguistique, c'est comme une cure de vitamine pour la self estime. Et c'est une bonne chose car ses effets rejaillissent aussi sur la vie réelle.

L'ennui, c'est quand blogosphère et vie réelle se confondent et qu'on en perd le sens de la nuance.
Nous autres bloggeurs sommes des apprentis sorciers dans un univers né depuis peu qui évolue sans cesse et mue en fonction de ses composants humains. C'est tout le paradoxe de la blogosphère : ce n'est pas la vraie vie, mais elle n'en reste pas moins fréquentée par des vrais
gens, comme vous et moi, qui en plus de leurs nobles intentions apportent aussi leurs travers et leurs névroses. J'ai ainsi remarqué à quel point certains croient connaître les bloggueurs (qu'ils les soutiennent ou les vilipendent) et tendant à oublier que ces derniers ne livrent que ce qu'ils veulent ou peuvent donner, que tout est sujet à caution et à interprétation. A quel point il devient difficile d'exprimer une opinion personnelle (alors que, merde, le blog c'est quand même fait pour ça) sans déclencher de gueguerre blogosphérique du genre pour/contre digne d'un leader politique. A quel point certains visiteurs se projètent et surcapitalisent sur leurs idoles bloggueuses attendant d'elles une perfection qu'elles ne prétendent pas avoir. A quel point certains oublient que la blogosphère n'est qu' un microcosme, dont le but est de créer des liens pas de « rapporter » quoi que se soit, et qu'un succès est toujours à mettre en perspective par rapport à ce microcosme. La politique du donnant/donnant, la suspicion, le blogistiquement correct et les querelles de chapelles ont ainsi peu à peu gangrené l'esprit de liberté, de convivialité et de partage qui caractérisait le blog jusqu'ici. Mais comment s'en étonner ? C'est toujours avec les premiers conflits, les premiers clivages, qu'une société se révèle.
J'ai enfin appris à mes dépends qu'on ne pouvait pas se comporter sur la blogosphère comme dans la vraie vie.
Si quelqu'un nous contrarie dans la vraie vie, on a tendance à s'en épancher auprès de la première personne venue. Le téléphone arabe ayant ses limites, la querelle ne va en général guère plus loin et finit par s'étouffer, d'elle-même ou à l'occasion d'une confrontation directe. Si l'on adopte spontanément la même démarche sur la
blogosphère en profitant d'un commentaire pour dire ce qu'on a sur le coeur, la querelle n'a plus jamais de fin, elle se nourrit des réactions des autres, elle est reprise, amplifiée, déformée et cause des dommages collatéraux insoupçonnés. Elle est ETERNELLE car non seulement le blog est PUBLIC mais tout ce qu'on y diffuse est INDELEBILE et prend des PROPORTIONS qui échappent à ses protagonistes. J'en ai fais l'expérience et j'en suis arrivée à la conclusion que c'était éthiquement douteux et inapproprié de mettre en cause une tierce personne dans un blog (les e-mails persos sont là pour ça). Certaines qui ont suivi « l'affaire » doivent se dire « Elle est gonflée ! ». Mais que voulez-vous, on apprend de ses erreurs et mon acte de contrition prouve au moins que je ne suis pas une Bisounourse (cousine du Blogotubbie).
En tout cas, chez moi, vous serez toujours les bienvenues pour ME critiquer, avoir un avis différent, proposer une antithèse. Je considère la confrontation comme plus enrichissante que la flatterie servile même s'il sied aussi à mon ego d'être cajolé dans le sens du poil (Argh, Bisounourse sors de ce corps !).       

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S
Je ne sais pas si la blogosphère est un loft, mais c'est sur que certains s'en servent comme d'une Star Academy...<br /> <br /> <br /> Bubble You (version sous-titrée FR)
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J
Moumoune, je trouve ton histoire absolument édifiante (je me suis permis de remettre ton com en éliminant les bugs ///). Elle me fait penser à ce qui m'est arrivé quand j'ai écris mon roman d'inspiration autogiographique "Juliette fait de la télé". Mon père ayant hélas beaucoup moins d'humour que ta mère, il n'a pas digéré de me voir ainsi étaler mon intimité (ça n'avait même rien à voir avec ce que je disais de lui) et il ne m'a jamais pardonné ce "ramassis de vulgarités choquantes". En fait, je ne me suis jamais fait autant d'ennemis que depuis que mes écrits jouissent d'une certaine diffusion. Le problème, c'est que j'estime que c'est dans le partage de mon expérience que réside ma différence et, comme on ne vit pas tout seul, on en vient à parler de gens qui n'ont pas choisis d'être cités. Mais je crois que ce sont des dommages collatéraux qu'il faut assumer car si on commence à systématiquement s'inquiéter de ce que les gens pourraient dire ou penser (et parfois, compte tenu de mes récents déboires, je laisse de telles pensées parasiter mon inspiration) on perd sa pertinence et sa spontanéité. Il s'agit sans doute d'une équilibre à trouver, comme tu l'as fait en éliminant certains passages (ma mère à moi à trouvé la parade... elle refuse de lire quoi que ce soit vennant de moi, comme ça au moins, elle ne se prend pas la tête... mais elle a aussi eu droit à quelques sous-entendus suite à mon roman).
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M
Très bonne analyse, j'aime beaucoup. Mon blog me ressemble mais il y a une chose que j'ai bien retenue, un blog n'est pas sans conséquence : il  faut faire attention à ce que nous écrivons, je faisais rire beaucoup de monde en parlant de ma mère et tant que j'ai été anonyme je ne m'inquiétais pas vraiment de ce que j'écrivais. Mais une fois connue et donc reconnue dans mon immeuble, dans mon quartier, cela a été différent. Ce que j'avais écrit a été mal interprété, ma mère a été traitée de mauvaise mère, le truc de dingue. Tout ceci lui a fait beaucoup de peine. Quand elle a lu mes articles elle a explosé de rire, parce qu'elle s'est totalement identifiée et que c'était écrit avec beaucoup d'humour, et tout s'est arrangé. Depuis, j'ai effacé quelques trucs à  son sujet.
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V
Merci Juliette de tes explications, et , oui, j'avoue que je fais partie des étourdis qui ne regardent la colonne de droite que très irrégulièrement ... Mais ça va changer, promis !
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J
Merci pour tes félicitations et... une explication s'impose. Avant de devenir un post mes "chroniques de la ménagère" sont dans la colonne de droite dans la rubrique "la chronique de la ménagère de moins de 50 ans" avec possibilité de laisser un commentaire. Au bout d'environ 3 semaines, quand je fais une nouvelle chronique, l'ancienne se transforme en post (histoire de ne pas perdre son contenu) qui, du coup, forcément, n'est pas toujours d'une folle actualité. Mais en fait, alors que l'idée est que cette fameuse colonne de droite soit particulièrement mise en valeur, beaucoup de lecteurs ne la voient pas (ou ne réalisent pas qu'elle change régulièrement) et ne laissent donc des commentaires qu'au moment où son contenu se transforme en post actualisé (c'est là que je change la date du billet... mais je n'avais jamais réalisé que les premiers commentaires laissés, quand le billet étant encore une chronique, gardaient l'ancienne date qui n'a rien à voir avec la réalité)... Euh, je suis claire au moins ?
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