Le Speed-dating ou l'amuse-bouche de la rencontre amoureuse
Je devrais dire « nous avons testé » (avec ma fidèle amie Zaza) et insister sur le « pour vous » puisque je fais partie des « mariées fières de l’être » et que ce test doit tout à mon sens aigu de la conscience professionnelle.
N’étant plus sur le marché depuis presque 10 ans, j’ai héroïquement donné de ma personne pour compléter et actualiser mon investigation sur « Trouver (enfin) l’homme de sa vie ».
Car mon époque, où les pionniers de la rencontre virtuelle rasaient les murs et avançaient masqués, est bel et bien révolue. Le net est même devenu le meilleur moyen de rencontrer l’âme sœur pour 1 français sur 5. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué, la quête de l’âme soeur est pleinement assumée, ludique, voire carrément tendance.
Exit la célibattante, bonjour la célibatifolante.
Pour preuve ce fameux speed-dating où le préambule entre filles, toutes plutôt jolies, spirituelles, avenantes et pleine d’humour, vaut à lui seul le déplacement tellement on se marre. On glose sur la trivialité terre à terre du net, si loin du bon vieux minitel dont les fonctionnalités archaïques favorisaient les envolées poétiques érotico-sentimentales fantasmées à la faveur de quelques lignes.
On partage nos expériences épiques, on débat sur le sens de la vie, on refait le monde, comme les femmes savent si bien le faire entre la poire et le fromage. Et bien sûr, on s’yeute en douce la table des garçons, échantillonnés comme dans la vraie vie, avec cependant une tendance à la calvitie galopante propre à la tranche d’âge concernée (35/45 ans). On s’esclaffe à échafauder des échanges hypothétiques :
Lui : "Qu’est-ce qui t’as donné envie de venir ce soir ?"
Elle : "Bah, je préfère être devant toi que devant ma télé."
Lui : "Tu cherches quoi exactement ?"
Elle : "Je suis au chômage en fin de droit et interdit bancaire, c’est ma copine qui m’a payé ma place, je vais me faire expulser à la fin du mois et je cherche un homme avec lequel vivre, là, maintenant, tout de suite."
On oublie les trois filles manquantes qui ont pourtant réservé, confirmé, payé, et le marathon commence. Un round de 7 minutes avec 9 mecs différents (une mi-temps pour prendre un peu de recul n’aurait pas nui).
Et 7 minutes, autant c’est court quand ça se passe bien, autant c’est long quand ça rame, quand on se retrouve devant un mec suintant, tremblant, bredouillant dont la question la plus intellectuelle sera "C’est quoi tes loisirs ?". Finalement, j’en aurais quand même choisi 3 sur 9 si j’avais été célibataire, soit un taux étonnement élevé compte tenu de mes standards habituels. Sur les 3 en question,
2 m’ont choisi en retour, de quoi évaluer ma valeur sur le marché avec 10 ans et ce que nous appellerons pudiquement quelques kilos de plus. Et comme ils ont accueilli de façon fort courtoise mon aveu d’imposture, j’en conclu que ce sont en plus des types biens.
Loin d’être l’usine sans âme à laquelle je m’attendais, ce speed-dating s’est avéré frais, convivial, original et stimulant. Il offre à mon sens une alternative pour qui n’est pas forcément à l’aise avec l’écrit ou avec l’outil du net. Il donne la possibilité de rencontrer des hommes qui ne cèdent pas à la facilité du tout écran et du zapping, qui se mettent en danger et prennent au minimum leur destin en main. Même si j'ai aussi été frappée par la capacité de la plupart de ces quadragénaires à surfer sur leur vie amoureuse sans jamais se remettre en cause, attribuant leurs échecs répétitifs à la fatalité. Le speed-dating donne un « échantillon », une « bande-annonce » de ce que la relation pourrait devenir par la suite. Il permet de faire une première sélection sur du concret et de ne pas perdre de temps quand physiquement ça ne colle pas. Par contre, sans écrémage en amont sur la personnalité, on ne saura jamais si c’est le physique ou le tempérament qui aura rebuté ceux qui ne nous ont pas « coché » (et soyons clairs, le troisième larron qui m’a snobé me reste sur l’ego).
L’essentiel cependant reste le côté résolument ludique, bon enfant du dispositif qui permet de passer une bonne soirée, hors des potentialités de rencontre amoureuse.
Un « tilt » éventuel n’étant qu’un bonus. Mais ce soir-là, chaque fille a eu un petit faible pour un mec, différent pour chacune, et visiblement réciproque. Il y aurait donc quelque chose de substantiel et d’authentique qui passe dans ces échanges éclairs (même si le soufflé peut toujours retomber à l’étape suivante, qualifiée de "catastrophique" par la plus emballée d’entre nous).
Je suis revenue de mon premier (et dernier) speed-dating l’investigation bouclée, les zygomatiques courbaturés, l’ego reboosté, avec cependant une seule envie : retrouver mon mari, en définitive le seul homme avec qui j’ai vraiment envie d'être, pour tout lui raconter !