Le syndrome Dr House, ou pourquoi les femmes aiment-elles les « salauds » ?
Etes-vous comme moi rivée à votre téléviseur tous les mercredi soir à vous pâmer devant le charme bancal du dernier anti-héros de série produit par Hollywood, j’ai nommé le Docteur House ? Si c’est le cas, vous comprenez probablement ce que je veux dire. Certes, ses yeux bleus dans un visage émacié à la Robinson, sa stature adoucie de fêlures, son côté cerveau d’Einstein dans un corps de chat sauvage traînant la patte a de quoi émouvoir les tendres donzelles que nous sommes, mais quand même… Voilà un homme drogué, asocial, cinglant, arrogant, désabusé, irrécupérable au niveau communication ou relations humaines, et suivi pourtant jusque tard dans la nuit par quelques 3 millions de téléspectateurs tous les mercredi, dont combien de ménagères énamourées ? Ses brillantes saillies, sa pénétrante clairvoyance – si souvent exploitées pourtant à saper ses semblables – sèment en nous un mélange de ferveur et d’admiration. Nous sentons poindre une émouvante fragilité sous ce cynisme de façade. Un regard, un silence, un trouble inattendu, un seul instant où le personnage baisse sa garde ont soudain la force d’une vibrante ode amoureuse. Que celle qui ne fut pas troublée, hier, de le voir ainsi pétrifié, bouche cousue, regard fuyant face à la belle Cameron, refusant de reconnaître ses sentiments envers elle mais incapable de les nier pourtant, me jette la première pierre. Pour ma part, voilà longtemps que je n’avais pas vu aussi bien incarné à l’écran le mythe de « l’aimable salaud ». J’en reviens donc à ma question, pourquoi les aimons-nous autant ?
Parce qu’un tel homme, imprévisible, distant, inaccessible, est forcément plus excitant qu’un Monsieur Normal de chez Normal fidèle comme un Labrador. Parce que le bouleversement, l’exaltation, l’émotion que ce type d’homme provoque est plus addictive que la perspective d’une relation au long cours. Parce que nous avons toutes au fond de nous l’âme d’une infirmière qui rêve de sortir une épave du ruisseau, de le transformer en homme, de pouvoir s'enorgueillir "C’est moi qui l’ai fait" et de réussir là où toutes les autres ont échouées. Parce que nous avons la fâcheuse tendance de voir non pas l’homme tel qu’il se présente devant nous, mais le formidable « potentiel » qui se cache derrière lui. Et, en la matière, le Docteur House, c’est du pain béni tant nous devinons les qualités derrière le masque : son intégrité, sa passion, son dévouement… Le problème c’est que le brave gars n’est pas opérationnel, son manque de flexibilité fout tout le monde dans la merde, il blesse sans arrêt les gens qui l’aiment, il est incapable de prendre des responsabilités et de s’investir dans une relation qui n’aurait pas le nom d’une maladie ou d’un virus quelconque. Le Docteur House restera toujours un Mister Hyde, fidèle à sa nature. Aussi riche en potentialités qu’il soit, il n’a à l’évidence aucun désir de les exprimer, ni la moindre volonté de les réaliser. Le vilain crapaud ne deviendra pas Prince, quel intérêt d’ailleurs ? Dans la fiction comme dans la vie, impossible de faire ou de se faire un film si le « salaud » se transforme en gentil.
Heureusement, bon nombre d'entre nous ont renoncé au mythe hollywoodien et ont fini par comprendre que « pour construire une House (maison) qui dure, il faut déjà des fondations solides, que l’on obtient avec un homme solide, pas avec un homme qui nous échappe »*. A force de morfler, elles sont aujourd’hui immunisées, s’accordant avec House et consorts un trip régressif par procuration, mais combien de femmes continuent à vouloir construire une relation sur des sables mouvants ?
(*) Extrait de « Trouver (enfin) l’homme de sa vie », qui l’eut cru ?